CATICHES LILLOISES : UNE EXPLOITATION UNIQUE EN FRANCE
01/04/2019

CATICHES LILLOISES : UNE EXPLOITATION UNIQUE EN FRANCE


À l’intérieur d’une catiche.
Carte d’un réseau de catiches.

Une mutualisation originale a vu le jour en 2018 sur le territoire de la Métropole européenne de Lille, la MEL, pour prévenir et gérer les risques que représentent les cavités souterraines de
craie, dont les réseaux de catiches.

De 1967 à 2006, un service départemental d’inspection des carrières souterraines gérait ce risque dans sa globalité pour le Nord et les 120 communes concernées. Quand la Ville de Lille découvre en 2006 que le Département cesse cette mission, elle s’organise pour reprendre les missions du service départemental d’inspection des carrières souterraines sur le territoire lillois, en intégrant les deux villes associées de Lomme et Hellemes.
L’année 2018 marque un nouveau tournant : le service risques urbains et sanitaires se double désormais d’un service commun des carrières souterraines à l’échelle de la MEL, la Métropole européenne de Lille, avec une équipe de 5 personnes. 10 autres villes situées sur le croissant sud de la MEL sont concernées et bénéficieront des missions. Ce nouveau service est porté et géré par la Ville de Lille.
Les cavités souterraines du territoire sont des carrières de craie, situées à faible profondeur, entre 3 et 15 m, avec des formes d’exploitations différentes.
Une première exploitation en chambres et piliers a vu le jour au Moyen Âge : elle s’organisait avec un puits qui descend dans la carrière, exploitée jusqu’à 10 ou 15 m de profondeur. Puis, les catiches ont fait leur apparition au XVIIIe siècle pour connaître leur apogée au XIXe avec une forme d’exploitation unique en France.
« Une catiche est une bouteille enterrée, explique Gaëtan Cheppe. Un goulot est creusé jusqu’à 3 m de profondeur, et dès qu’on rencontre la craie, on évase et cela prend la forme d’une bouteille qui va jusqu’à 1 m de profondeur. Ensuite, on ressort, on fait la même chose à côté et on relie les 2 bouteilles… Et on peut le faire à l’infini, d’où des plans de réseaux de catiches très particuliers.
Les catiches font de 8 à 10 m de hauteur, avec un démarrage de la carrière à 3 m de profondeur. Cela
crée des hauteurs de vides beaucoup plus importantes dans un réseau de catiches que dans une
chambre en piliers. »
Cédric Lefebvre du Cerema Nord-Picardie explique qu’à la fin de l’exploitation, les exploitants des catiches ne rebouchaient pas le trou, mais mettaient une voûte sur le puits et rebouchaient sur la
voûte, sur quelques mètres de profondeur, parfois même moins de 2 m.
Un réseau de catiches sous-entend donc qu’il y a beaucoup de vides très près de la surface, soutenus
par des voûtes en moellons de craie qui ne sont pas cimentés. Le service commun des carrières
souterraines inspecte de visu chaque année les 165 carrières souterraines connues pour suivre
les évolutions des dégradations et mettre en place les travaux afin d’éviter l’effondrement.
« Sans inspection, il ne peut y avoir de prévention des risques de carrières souterraines », commente
Gaëtan Cheppe.
Le service instruit aussi les autorisations d’urbanisme pour les 11 villes. Les 11 communes concernées par les risques mouvements de terrain disposent d’un PPR (plan de prévention de risques), ou de sa
version antérieure, un PER (plan d’exposition aux risques). Toutes les études géophysiques, géotechniques, les plans des carrières souterraines, les effondrements, les puits d’accès, toute l’information environnementale du sous-sol sont reportés dans le SIG, système d’information géographique, ce qui facilite l’instruction des permis de construire.
Une gestion des situations d’urgence a été mise en place avec une astreinte 7/7, 24/24, de manière à réagir à tout moment en cas d’effondrement et mettre en place les mesures de sauvegarde qui s’imposeraient. Le service accompagne tous les porteurs de projet qui veulent construire ou aménager dans les secteurs de carrières, « sans bien sûr jouer le rôle d’une maîtrise d’oeuvre », précise Gaëtan Cheppe.
Les recommandations s’adaptent en fonction des enjeux de surface. Par exemple, si un particulier veut construire sa maison au-dessus d’une carrière en bon état, inspectable, il lui sera préconisé de
construire sa maison avec des fondations dimensionnées aux conditions de fontis, qui résistent à un
effondrement et d’utiliser des fondations de type radier.
Sur le territoire, la majorité des carrières connues et surveillées sont accessibles. « On considère que
l’on connaît 80 % des carrières du territoire, mais ce sont les 20 % qui restent à découvrir qui sont les plus dangereuses, puisqu’elles ne sont pas suivies », ajoute le responsable du tout nouveau service.
La surveillance des carrières connues est visuelle dans la majorité des cas. 3 secteurs sont instrumentés par des cannes de convergence, directement reliées à une plateforme électronique avec
une télétransmission : il s’agit de carrières a priori stabilisées, mais leur état géotechnique est un peu
dégradé et les enjeux de surface sont importants. Le service commence aussi à utiliser le scan 3D
pour observer des différences de l’ordre du millimètre, « l’approche naturaliste des inspections n’étant
pas une science exacte », reconnaît Gaëtan Cheppe.
Pour rechercher de nouvelles carrières, le procédé le plus couramment employé est la microgravimétrie, « du fait que nos carrières sont peu profondes, et sous réserve d’avoir un opérateur qui maîtrise cette technique », précise notre interlocuteur lillois. Les anomalies détectées sont vérifiées
avec des forages destructifs descendus à 15 m de profondeur. L’eau est l’élément prépondérant
dans les phénomènes d’instabilité des vides souterrains. Elle sature les terrains, alourdit les charges
encaissées par les voûtes et piliers, et réduit la capacité portante de la craie. Le service traque les fuites d’eau, à l’origine de la plupart des effondrements. Une fuite importante sur le réseau d’eau potable sur une canalisation structurante peut provoquer un effondrement en moins de 24 h ! Une fuite plus ancienne, de petite taille, qui va perdurer pendant des années, sera également nocive. Le particulier qui, dans un souci de développement durable, pense bien faire en réinfiltrant les eaux à la parcelle peut provoquer un effondrement. Pour cette raison, l’infiltration des eaux est formellement interdite dans le zonage PPR : tout doit être rejeté dans les réseaux d’assainissement.