L'IGC DE PARIS : 240 ANS DE SÉCURISATION ET DE PRÉVENTION - <p>Chantier d’injection avenue Pierre-1er-de-Serbie.</p>
01/11/2018

L'IGC DE PARIS : 240 ANS DE SÉCURISATION ET DE PRÉVENTION


Jean-Michel Fournier, adjoint au chefde l’Inspection générale des carrières et responsable de la division études et travaux.
Chantier d’injection rue Chéreau.

Les mesures prises par l’IGC de Paris depuis presque deux siècles et demi pour sécuriser le sous-sol semblent être de solides remparts contre le risque cavités. Pour Jean-Michel Fournier, adjoint au chef de l’Inspection générale des carrières et responsable de la division études et travaux qui répond à nos questions, la vigilance demeure.

Solscope Mag : Pouvez-vous nous présenter l’IGC ?

 

Jean-Michel Fournier : L’Inspection générale des carrières de Paris, l’IGC, a été créée le 4 avril 1777 par un arrêt du conseil du roi Louis XIV, suite à une série d’affaissements et d’écroulements d’immeubles sur le territoire parisien. Le roi lui avait alors confié deux missions essentielles, que l’Inspection réalise toujours : établir une cartographie de l’ensemble des carrières et mettre en sécurité tous les espaces publics.
Depuis 1968, l’IGC est rattaché à la Ville de Paris et fait partie de la Direction de la voirie et des déplacements. Des arrêtés préfectoraux et interpréfectoraux obligent les communes à consulter l’IGC pour toutes les demandes de permis d’urbanisme dans les périmètres à risques. Des conventions sont passées avec les conseils départementaux des Hauts-de-Seine (92), de Seine-Saint-Denis (93) et du Val-de-Marne (94), et les communes du département de Seine-Saint-Denis dans les périmètres à risques pour que nous intervenions sur leur territoire. Au sud de la Seine, les cavités sont des carrières de calcaire, souvent accessibles et visitables, tandis qu’au nord de Paris, les périmètres de risques concernent les carrières de gypse qui ne sont pas visitables. Nous avons aussi des carrières de craie, à Issy-les-Moulineaux ou Meudon, par exemple.
Ces différents types de cavités ne s’appréhendent pas de la même façon. La carte des carrières de calcaire est plutôt bien établie et nous intervenons à faible profondeur. Dans une zone où il y a du gypse, qui est une roche soluble à l’eau, ce n’est pas parce qu’il n’est pas dissous par les circulations d’eau naturelle dans le terrain à l’instant T que cela ne surviendra pas à un autre moment. C’est pourquoi, pour toute construction à réaliser dans ces périmètres de dissolution de gypse, l’IGC demande une reconnaissance de sols pour pouvoir évaluer le niveau de dissolution qui date de moins de 5 ans, sachant que cela peut varier d’un endroit à l’autre sur la parcelle et sur des profondeurs plus ou moins importantes.

 

Solscope Mag : Quelles sont les missions de l’IGC aujourd’hui ?

 

J.-M. F. : En premier lieu, il s’agit de connaître le risque. Dans cet objectif, une division met à jour les cartes de l’atlas des carrières et des cartes géologiques. Elle élabore les cartes pour les PPR, les plans de prévention des risques, inspecte les carrières et intervient sur les incidents. C’est aussi cette division qui suit les piézomètres, puisque l’IGC suit les évolutions des nappes phréatiques, notamment en période de crue, comme ce fut le cas avec les événements assez significatifs de juin 2016 et du début de l’année 2018. Une brigade de cette division encadre les visites des galeries visitables dans les carrières de calcaire et mène des petits travaux d’entretien.
Le deuxième volet, informer sur le risque, est confié à une autre division qui délivre des renseignements oraux au grand public, les lundis, mercredis et vendredis, de
9 h à 12 h. Le public peut ainsi venir pour avoir des renseignements sur le sous-sol de leur habitation ou sur la parcelle qu’ils envisagent d’acquérir. Les renseignements écrits sur l’état du sous-sol sont, quant à eux, fournis via un téléservice sur www.paris.fr.
Notre troisième grande mission consiste à participer à l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme : tous les permis de construire ou d’aménager, toutes les déclarations préalables qui sont formulées dans des zones où il y a des périmètres de risques transitent par notre service. L’IGC a un véritable pouvoir réglementaire et peut prescrire des demandes d’études du sous-sol et de travaux pour combler des cavités ou recourir à des fondations adaptées aux sous-sols. Si nos inspecteurs découvrent le non-respect d’une prescription, la demande d’arrêt de chantier est immédiate et peut faire l’objet d’un arrêté municipal.
La dernière mission, qui relève de la division études et travaux que je dirige, est de réaliser des interventions lorsqu’il y a des désordres sur l’espace public. Il peut s’agir d’un fontis qui peut venir d’une ancienne carrière ou d’une zone de dissolution de gypse qui va créer des désordres en surface. Sur cet espace public, nous procédons à l’étude de reconnaissance des sols, mais aussi à leur consolidation. Dans ce second cas de figure, lorsque nous découvrons des cavités qui risquent de porter préjudice aux biens ou aux personnes, nous réalisons des mesures curatives, c’est-à-dire que nous comblons ces cavités avec des injections gravitaires* de mortier, puis nous réalisons un clavage*. Si nous sommes en présence de terrains décomprimés, nous terminons avec une phase de traitement, c’est-à-dire que nous injectons un coulis de ciment sous pression pour renforcer les caractéristiques mécaniques des terrains*.

 

Solscope Mag : Est-ce que des désordres se produisent fréquemment ?

 

J.-M. F. : À vrai dire, non. Pas sur le périmètre parisien. L’IGC intervient tout de même depuis 240 ans. Grâce à tous les programmes de consolidations qui sont mis en oeuvre depuis des décennies, ce genre d’événement est plus rare. Nous sommes en présence d’un espace dense, où chaque bâtiment réalisé dans les périmètres du risque a fait l’objet d’une étude de son sous-sol et, au besoin, des travaux nécessaires. Tout cela concourt à renforcer le sous-sol parisien, même si, face au risque, nul n’est à l’abri. Les événements qui surviennent parfois se produisent plutôt dans le tissu pavillonnaire des communes de banlieues.

 

Solscope Mag : Les maîtres d’ouvrage sont-ils sensibilisés à ces enjeux ?

 

J.-M. F. : En région parisienne, le sujet est assez bien connu. Dans les transactions immobilières, les propriétaires sont informés par leur notaire ou leur agence sur l’état du sous-sol et leurs obligations. Les grands maîtres d’ouvrage appréhendent bien la problématique. Et enfin, toutes les communes concernées par les arrêtés préfectoraux et interpréfectoraux savent qu’elles ont l’obligation de nous consulter pour toutes les demandes de permis d’urbanisme.

 

Solscope Mag : L’IGC privilégie-t-elle une technique plutôt qu’une autre pour consolider une carrière ?

 

J.-M. F. : Tout dépend des contex-tes. Dans les zones de piliers maçonnés, les collègues qui préconisent les travaux vont plutôt opter pour une technique identique. Sur l’espace public, hormis pour les galeries que nous préservons, nous utilisons surtout des injections, car il est rare que des piliers maçonnés aient été mis en oeuvre sous les voies parisiennes. C’est aussi plus pratique à réaliser et globalement moins coûteux.

 

Solscope Mag : Pour les travaux que vous réalisez, qui intervient ?

 

J.-M. F. : L’IGC est à la fois maître d’ouvrage et maître d’oeuvre pour les travaux sur la voirie. Nous passons les marchés, via la direction des finances et des achats et nous suivons les travaux. Nous faisons intervenir plusieurs entreprises, que ce soit pour les études de reconnaissance de sol ou pour les consolidations. Nous travaillons aussi pour d’autres directions de la Ville de Paris ou des collectivités pour lesquelles nous sommes conventionnés : par exemple, pour un stade, une crèche, etc. Le maître d’ouvrage est alors la direction qui fait appel à nous et nous en assurons la maîtrise d’oeuvre.