LE BRGM : CONNAÎTRE POUR PRÉVENIR LE RISQUE - <p>Levé au scanning laser dans<br />une cavité.</p>
01/11/2018

LE BRGM : CONNAÎTRE POUR PRÉVENIR LE RISQUE


Quelles sont les missions du BRGM sur le risque cavités ?
Séverine Bernardie répond à nos questions.

Solscope Mag : Quelles sont les missions du BRGM et quel est votre rôle ?

 

Séverine Bernardie : Le BRGM, Bureau de recherches géologiques et minières, est le service géologique national français. C’est un établissement public, chargé de produire de la connaissance géologique sur le territoire français.
Le rôle du BRGM dans la gestion des risques d’effondrement des cavités repose à la fois sur l’inventaire, la détection, la cartographie de l’aléa, le diagnostic de stabilité, la modélisation des processus, la surveillance et la mise en sécurité, tout en améliorant les méthodologies dans chacune de ces composantes.
Au sein du BRGM, je suis responsable scientifique du programme qui concerne les mouvements de terrain ; les effondrements de cavités souterraines constituent une typologie de mouvements de
terrain.

 

Solscope Mag : Quelles sont les caractéristiques des différentes cavités souterraines ?

 

S. B. : Il y a les cavités naturelles et les cavités anthropiques. Toutefois, on distingue bien parmi ces dernières les cavités minières, qui relèvent du Code minier. Les cavités dont nous parlons aujourd’hui relèvent du Code de l’environnement. Elles sont de nature multiple : carrières de calcaire, de craie… De nombreuses carrières sont en bon état et font l’objet d’usages variés : touristiques, viticoles, culture de champignons… L’objectif est de réaliser un inventaire le plus exhaustif possible, et d’identifier celles qui sont susceptibles d’entraîner des désordres en surface.
Les cavités naturelles sont plus présentes dans certaines formations géologiques : les roches carbonatées (karsts de la craie, du calcaire, de la dolomie, etc.), les roches évaporitiques (gypse, sel), et, de manière moindre à l’échelle du territoire français, dans les roches volcaniques (tunnel de laves). A contrario, certaines formations géologiques en sont exemptes, parce que la roche ne se dissout pas au contact de l’eau (ex. les roches plutoniques et métamorphiques), ou bien, au contraire, parce que les roches sont détritiques (ex. roches sédimentaires détritiques).
Les cavités anthropiques peuvent en revanche avoir été creusées dans presque n’importe quel type de roche, pourvu qu’il y ait eu, à un moment ou un autre, un intérêt à extraire du matériau (intérêt minéral ou de construction), ou à aménager un abri ou un espace de stockage. Par exemple,
beaucoup de caves sont creusées en zones viticoles ; les marnières en Normandie ont été creusées pour extraire la craie et amender les terrains agricoles.

 

Solscope Mag : Quels sont les enjeux pour un projet de construction ?


S. B. : La connaissance de l’aléa pour un projet de construction est un prérequis. L’analyse critique des documents existants permet de cerner le risque, en consultant les bases de données, les documents existants (PPR…) et en sollicitant les services compétents (inspection des carrières, services techniques communaux, service de l‘aprèsmine, associations de spéléologues).
Cette analyse dépend de ce qu’il y a déjà en surface, du projet à venir, de l’emprise du projet au
sol, de la taille des cavités, de leur nombre, de leur stabilité… Plus un projet est étendu et plus il va solliciter une surface en sous-sol, ce qui augmente la probabilité de trouver une cavité… Par exemple,
les réseaux tels que les routes ou les voies ferrées peuvent potentiellement être plus concernés du
fait de la longueur du linéaire. Il convient ainsi d’étudier le risque dans l’intégralité de la zone d’influence géotechnique du projet. Lorsque le risque est avéré ou qu’un doute résiduel subsiste, il
faudra décliner, à l’échelle du projet, des techniques d’investigation adaptées : inspection directe
(visite à pied ou par vidéo) ou indirecte (géophysique, sondages, passage caméra et laser/sonar).
Dès l’instant où on a la connaissance de la susceptibilité de présence de cavités, il est impératif de
réaliser les investigations complémentaires dans le sol pour s’assurer de sa dimension, de sa localisation précise et de son état. Une cartographie aussi précise que possible des vides, des secteurs « décomprimés» et des « zones d’ombre » doit enfin être réalisée pour avoir une vision complète de leurs conséquences éventuelles sur le projet et sur la manière d’adapter la construction.
Si ces investigations ne sont pas réalisées au préalable, la découverte de cavités en plein chantier
peut avoir des conséquences dramatiques : en premier lieu pour les risques encourus par les personnes sur le chantier ou à proximité, mais aussi sur le budget du projet, sur les délais… Dans les
projets de construction, l’enjeu est d’avoir une précision adaptée au projet.

 

Solscope Mag : Quels sont vos outils et vos avancées majeures ?


S. B. : La mise à disposition de données est un axe essentiel, à travers, soit des banques de données,
soit des études sur la connaissance de cavités et en fonction, sur la connaissance de l’état de
ces cavités. La base de données nationale des cavités, hébergée sur le site

www.georisques.gouv.fr, marque une grande avancée dans la connaissance de ces cavités
en France. Nous mettons aussi à disposition plusieurs guides, le plus souvent réalisés en partenariat
avec d’autres organismes tels que le Cerema ou l’Ineris pour cibler la méthodologie en fonction du
contexte.
En matière d’innovations, les détections par méthode géophysique (ex. gravimétrie, sismique…) sont
devenues très performantes pour les cavités de faible profondeur, notamment en améliorant leur précision par couplage de méthodes. L’imagerie Lidar détecte quant à elle des petites déformations en
surface, telles que les dolines, qui sont associées à la présence de cavités. Dans les cavités visitables,
nous réalisons des cartographies de haute précision à l’aide d’outils de scanning laser. L’imagerie
satellitaire constitue, pour sa part, un outil de plus en plus performant pour suivre les déformations associées à l’état de stabilité de cavités, avec une forte amélioration de la précision.
Tous ces progrès ont été rendus possibles grâce au développement des outils numériques, car,
une fois acquises, ces données doivent être aussi traitées. Or, encore récemment, nous étions
incapables de gérer un tel volume de données.

 

Solscope Mag : Quelles sont les inconnues qui persistent ?

 

S. B. : Il n’est pas envisageable de répertorier l’ensemble des cavités.
Toutefois, des inventaires sont toujours en cours, notamment en Normandie et dans de grosses agglomérations, à partir de données qui ne sont pas encore analysées. La base de données cavités est alimentée par l’ensemble des directions régionales du BRGM. D’autres organismes tels que le Cerema et l’Ineris participent à ce travail collectif, en fonction des rôles qu’ils jouent en région. Certaines agglomérations, Strasbourg, Amiens, Orléans, par exemple, ont mis en place leur base de données, plus précise que la base nationale cavités et reliées avec la base nationale.
L’impact du changement climatique sur l’occurrence des effondrements est une question émergente.
La crise météorologique récente du printemps 2016, en particulier les fortes pluies dans le Loiret,
est un bon exemple de conditions exceptionnelles aboutissant à l’apparition de nombreux effondrements dans des zones, et avec des vitesses non attendues jusqu’alors.
Les inondations ont montré leur effet déclencheur et ont surtout révélé l’existence de cavités dont
on n’avait pas connaissance.