LE BRGM SE DOTE D'UNE PREMIÈRE PLATEFORME EXPÉRIMENTALE DE STOCKAGE GÉOTHERMIQUE BASSE TEMPÉRATURE
13/11/2019

LE BRGM SE DOTE D'UNE PREMIÈRE PLATEFORME EXPÉRIMENTALE DE STOCKAGE GÉOTHERMIQUE BASSE TEMPÉRATURE


La chambre de visite béton avec son collecteur préfabriqué.
Forages en cours avec la technique du« marteau fond de trou ».
Mise en place de l’atelier de forage sur le site du BRGM, au milieu des bois.
Pour une parfaite étanchéité, raccordements des tubes via soudage par« Electrofusion ».

Le champ de sondes réalisé par l’entreprise SAF sur le site du BRGM constitue un « Borehole Thermal Energy Storage » (BTES) qui fait partie d’un démonstrateur de système énergétique local pour la décarbonation des bâtiments, intégrant du stockage géothermique à basse
température. Ce projet appelé ABC Storage est conduit par un consortium de recherche constitué de la société Accenta, du BRGM et du Centre d’efficacité énergétique des systèmes de Armines/Mines ParisTech (CES). Il est cofinancé par l’Ademe dans le cadre de l’appel à projets énergie durable (APRED) 2017.

Les technologies de stockage de chaleur dans le sous-sol se sont développées sur les 40 dernières années aux États-Unis et en Europe du Nord, et peuvent être considérées matures. Elles sont toutefois peu déployées en France, en particulier les BTES basse température
(< 50 °C), alors que ceux-ci présentent un potentiel majeur d’amélioration du rendement des pompes à chaleur (PAC) géothermiques.
Physiquement, la capacité d’échange d’énergie thermique et de stockage d’un BTES repose sur la diffusion de la chaleur dans les roches du sous-sol. À chaque niveau de profondeur des sondes, l’autodécharge est proportionnelle à la différence de température entre la température de stockage du BTES et la température naturelle de la roche. Ainsi en moyenne, un stockage à 30 °C à moins de 200 m présente une autodécharge intersaisonnière (6 mois) autour de 30 %, alors qu’un stockage à 70 °C présente une autodécharge intersaisonnière de 70 %. L’unité BTES du projet ABC Storage présente une autodécharge minimum, car elle est soumise à des injections de chaleur maîtrisée, à des températures les plus proches possible de celles du sous-sol environnant.

 

LE PROJET ABC STORAGE
Ce projet vise à évaluer l’impact sur la performance des échangeurs thermiques d’un certain nombre de paramètres de conception et d’installation : géométrie et compacité du champ de sondes, coulis de cimentation utilisé, présence d’écarteurs entre les différents tubes constituant les sondes, etc. Le monitoring de l’installation permettra d’identifier les innovations de configuration physique des BTES susceptibles d’en améliorer la performance énergétique (densité, puissance, autodécharge…).
Le démonstrateur ABC Storage comprend, outre le BTES, une machinerie thermodynamique permettant la simulation des échanges thermiques entre le BTES et un bâtiment tertiaire virtuel de
3 500 m2, une unité de production solaire thermique basse température, une unité de production solaire photovoltaïque, et une instrumentation complète pour le suivi du comportement thermique du BTES.
L’installation permet, grâce à un contrôleur intelligent développé par ailleurs par Accenta, une
gestion dynamique de l’injection et du soutirage de la chaleur dans les sondes du BTES en fonction des capacités de production d’énergie renouvelable (EnR), de la
carbonation du réseau et des besoins du bâtiment. Ainsi le système optimise les cycles d’injetion et de soutirage de la chaleur pour maximiser le rendement thermodynamique du dispositif, et par là même minimiser la carbonatation et le coût des énergies thermiques autoproduites et autoconsommées. À ce dispositif de stockage d’énergie thermique sera associée, dans un deuxième temps, une unité de stockage hydropneumatique d’énergie électrique. Le démonstrateur ABC Storage constitue donc un premier système de stockage multi-énergies maximisant l’autoproduction et l’autoconsommation de l’énergie solaire à un coût compétitif pour permettre un déploiement massif et réparti au niveau des bâtiments.


LA SOLUTION ACCENTA STORAGE
Avec près de 45 % de la consommation énergétique nationale, et plus de 25 % des émissions de gaz à effet de serre, le secteur immobilier est le premier contributeur d’émissions de CO2, devant la mobilité. L’amélioration de l’efficacité énergétique et la réduction de l’empreinte carbone des bâtiments sont donc un enjeu majeur de la transition énergétique et environnementale, qui se traduit dans les nouvelles réglementations environnementales en objectifs ambitieux tant en France qu’en Europe.
Aujourd’hui, investisseurs et gestionnaires d’actifs immobiliers sont à la recherche de solutions permettant d’optimiser le goodwill environnemental de leurs bâtiments ou de défendre la valeur de leur
portefeuille d’actifs. Il s’agit souvent d’améliorer la performance énergie et carbone de l’enveloppe, et d’y intégrer une capacité de production d’énergie renouvelable, solaire en particulier. Ces solutions renchérissent significativement les investissements, sans pour autant atteindre les niveaux de performance requis.
Dans ce contexte, Accenta propose une première solution de stockage intelligent des énergies thermiques du bâtiment, qui permet d’atteindre des niveaux de performance inégalés tant en efficacité énergétique qu’en décarbonatation, à un coût compétitif par rapport aux énergies traditionnelles. La solution, appelée Accenta Storage, comprend une infrastructure de stockage géothermique basse température constituée d’un BTES et de pompe(s) à chaleur géothermique(s).

Accenta Storage gère l’injection dans le sol de la chaleur fatale des processus de climatisation ou d’une chaleur faiblement carbonée produite pendant l’été. Pendant l’hiver, Accenta Storage chauffe le bâtiment avec une grande efficacité et une très faible carbonatation en s’appuyant sur le stock de chaleur disponible dans le sol.
L’infrastructure est conçue et dimensionnée par le système Accenta.Design, et pilotée par
le système intelligent et auto-
apprenant Accenta.AI.

Ce système optimise en temps réel le rendement du BTES et la production d’énergie thermique pour le bâtiment en fonction de la demande (conditions météorologiques, habitudes de consommation des occupants et inertie thermique des bâtiments), mais aussi du tarif et de la charge en carbone de l’électricité du réseau.
La performance énergétique de la solution, exprimée en économie d’énergie primaire par kWh de
chaleur fournie, atteint 50 % par rapport aux solutions conventionnelles carbonées (chauffage au gaz, PAC aérothermique). La performance de décarbonatation, exprimée en réduction d’émissions de CO2 par kWh fourni, atteint 90 % par rapport aux mêmes références. Par exemple, en rénovation d’un bâtiment tertiaire en région parisienne, la solution Accenta.Storage réduit la consommation conventionnelle d’énergie primaire (CEP) de référence jusqu’à 40 %, et les émissions de carbone des fonctions calorifiques du bâtiment jusqu’à 85 %. Les coûts d’investissement, exprimés au kW de capacité installée, sont voisins de ceux des systèmes à PAC aérothermique, avec des charges d’exploitation 30 à 40 % inférieures.

Grâce au système Accenta.AI, la performance énergétique et environnementale de la solution est optimisée dans le temps. Elle fait l’objet d’une garantie de performance contractualisée sur chaque projet. Accenta Storage concerne les projets immobiliers neufs ou en rénovation, et s’adresse à tous les acteurs industriels de l’immobilier et de l’efficacité énergétique : maîtres d’ouvrage publics et privés (gestionnaires d’actifs, investisseurs), constructeurs, architectes, bureaux d’études, installateurs.


LE CHANTIER
Géotec, spécialiste dans tous les métiers de la géotechnique et de l’environnement, a investi depuis près de 10 ans dans la géothermie via le rachat en 2009 de la société SAF, opérateur récurrent dans le domaine, essentiellement positionné sur le marché du particulier. Depuis le rachat, le management du groupe Geotec s’est concentré sur le développement de cette activité, qui reste malheureusement aujourd’hui encore trop confidentielle en France.
Le projet ABC Storage de plateforme expérimentale de stockage géothermique basse température permettra à terme de redynamiser le marché de l’énergie géothermique. Pouvoir être associé à un tel projet a été perçu immédiatement comme un enjeu majeur pour l’entreprise SAF. Au regard de la technicité de ce chantier et de son importance, la direction de SAF s’est naturellement rapprochée du groupe Verbeke, société belge rachetée également par le groupe Geotec, fin 2017, pour l’accompagner techniquement et humainement sur le projet.
Plus grand opérateur dans la géothermie en Belgique, que ce soit par la technicité de ses chantiers ou par leur nombre, les équipes de l’entreprise Verbeke ont su développer au-delà de nos frontières, essentiellement en Flandre, ce mode d’énergie renouvelable à l’infini, confortable et économique. Jonas Vercruysse, responsable du service géothermie chez Verbeke, les choses étaient claires : « Il semblait logique d’être présent sur ce dossier pour importer en France un savoir-faire qui doit rendre le stockage géothermique basse température compétitif par rapport aux énergies thermiques carbonées pour les maîtres d’ouvrage français. L’objectif était bien d’apporter au projet une capacité de mise en oeuvre sans faille du champ de sondes. L’appel d’offres pour un champ de sondes lancé par le BRGM et Accenta nous a logiquement mobilisés conjointement à l’entreprise SAF, et nous avons apporté au maître d’ouvrage notre compétence, notre expérience et nos solutions innovantes. Le maître d’ouvrage nous a immédiatement accordé sa confiance, car tous les intervenants du projet partagent une même vision : rendre le stockage géothermique attractif tout en s’inscrivant dans une vision globale d’économie et de développement de l’énergie. Après les premières réunions de mise au point sur site, nous avons vite intégré les exigences du marché et les souhaits complémentaires de notre client. Les défis étaient multiples et complexes. Nous avons préalablement réalisé 13 forages à 100 m, destinés à recevoir au fur et à mesure des sondes en PEHD combinant 4 différents types de configuration. »
Deux types de coulis de ciment ont été utilisés, et les sondes ont été mises en oeuvre suivant les cas avec ou sans écarteurs, avec une implantation définie au centimètre près. À terme, cette installation permettra aux équipes du BRGM et d’Accenta d’obtenir des données essentielles sur chacune des sondes, grâce à l’adjonction d’une fibre optique sur toute la longueur de celles-ci.
« Mais d’autres défis nous ont attendus, puisque les forages étaient situés réglementairement en zone orange, requérant l’avis d’un expert géologue ou hydrogéologue et d’un foreur qualifié, mais dans un site reconnu très karstique. La mise en place de géotextile enveloppant les sondes et les fibres optiques ont rendu les opérations extrêmes délicates, mais ont permis d’assurer une cimentation de qualité sur toute la hauteur des sondes malgré la présence de nombreux vides. Grâce à notre expérience, notre réactivité pour ne pas dire notre créativité, nous avons pu réaliser les 13 forages en 15 jours ouvrables. Une semaine de plus a été nécessaire pour les raccordements horizontaux des sondes vers le collecteur central, travail d’habitude classique, mais rendu délicat par la présence des sondes optiques et d’un site très contraint.

Nous avons travaillé tout au long de ce chantier avec enthousiasme et sommes impatients, comme notre client, de connaître les conclusions de cette expérience dont nous ne doutons pas qu’elle sera créatrice de valeur pour la géothermie. En parallèle, nous espérons que cette expérience permettra à la France de rattraper son retard par rapport à tous les pays du nord de l’Europe qui ont déjà adopté cette énergie au même titre que l’éolien ou le photovoltaïque », conclut Jonas Vercruysse.