UNE COULÉE DE BOUE PARALYSE LE VILLAGE DE SOYONS - <p>Piste d’accès à la plateforme de forage.</p>
01/06/2017

UNE COULÉE DE BOUE PARALYSE LE VILLAGE DE SOYONS


Suite à une coulée de boue dans levillage de Soyons (Ardèche).
Vue de l’avant-trou après injection.
Vue del’avant-trou.
Lors des travaux de foration.
Phase de forage.
Foreuse Atlas Copco de type Mustang 5-F4.

Dans un contexte d’épisodes météoriques exceptionnels,
une coulée de boue s’est déversée le 28 novembre 2014
sur la commune de Soyons (Ardèche) au niveau du versant
dominant le Rhône. Elle a parcouru plus d’un kilomètre, en
traversant plusieurs propriétés privées et a provoqué l’arrêt
de la circulation sur la route départementale 86 pendant
presque 12 heures.

L’origine de cette coulée de boue a été identifiée au niveau d’une ancienne galerie minière qui, suite
à un effondrement interne, se serait colmatée et mise en charge sous l’effet de fortes pluies. Par la
suite, l’excès de pression a provoqué une rupture soudaine de l’embâcle et une vidange rapide des
eaux de mine dans le versant. En effet, Soyons a connu une activité minière visant deux substances : le fer (1840-1876) et la pyrite (1855- 1948). L’exploitation était souterraine avec des galeries creusées
suivant le pendage légèrement montant des gisements, permettant ainsi d’assurer une exhaure gravitaire de venues d’eaux décrites comme « très abondantes ».
Le débourrage qui a eu lieu en novembre 2014 s’est produit au niveau d’une galerie d’où s’écoule
une émergence minière depuis plusieurs dizaines d’années. Cette galerie drainait la majeure partie
des travaux souterrains. Néanmoins, un autre point d’exhaure a été observé au niveau d’une seconde
galerie, située plus au nord, et au sommet d’une verse de stériles surplombant la RD 86 et les voies ferrées longeant la rive droite du Rhône.
Lors des travaux d’arrêt de la mine, un « bouchon » a été mis en place à l’entrée de cette galerie. Ce
bouchon, constitué de tout-venant du site, était équipé d’un busage ayant pour objectif de drainer les
eaux contenues dans la galerie. Cependant, les visites de terrain ont permis de constater que ce busage n’était plus visible et qu’il avait peut-être été corrodé ou écrasé par le bouchon.
Les modes de communications souterraines entre les deux galeries étant incertains, aucun élément
ne permettait d’exclure le risque de montée en charge et de débourrage de la galerie nord, provoquant des désordres similaires à la coulée de boue survenue en 2014. En effet, une charge hydraulique trop forte dans la galerie nord était susceptible de provoquer la rupture accidentelle de son bouchon : cela menacerait alors la route et les voies ferrées en contrebas, et pourrait provoquer une pollution ponctuelle du Rhône par des eaux et des boues de mines principalement chargées en fer et en arsenic.

 

MISE EN SÉCURITÉ DE LA GALERIE NORD PAR LE BRGM/DPSM

 

Dans ce contexte, l’État a demandé au BRGM/DPSM de réaliser la mise en sécurité de la galerie nord.
L’objectif des travaux était de réaliser un forage de décharge au niveau de l’entrée de la galerie nord, afin de se donner les moyens de maîtriser et de suivre la pression d’eau dans la galerie à l’arrière du
bouchon.
Afin de préparer les travaux, les archives minières ont été consultées et des investigations de terrain
ont été réalisées. Cette phase préparatoire a notamment mis en évidence l’incertitude liée à la position de la galerie en altimétrie comme en planimétrie, son inclinaison et son azimut restant incertains en raison de l’absence de repère marquant sur le terrain à l’entrée de la galerie. La galerie étant orientée de biais par rapport à la paroi rocheuse, l’écart planimétrique pouvait être important et influencer la longueur du forage nécessaire.

Une autre incertitude résidait dans la longueur et la résistance du bouchon. Forer dans le bouchon aurait pu le déstabiliser ou le fragiliser ce qui aurait induit un risque de débourrage mettant en péril l’équipe de forage et les enjeux en aval. Ce risque aurait été d’autant plus grand si le forage avait été réalisé dans l’axe de la galerie face au bouchon. Il a donc été décidé de désaxer le dispositif et de le
décaler pour recouper la galerie de biais et au-delà du bouchon. Cette configuration a également influencé la longueur du forage à réaliser.
Compte tenu de l’incertitude relative à l’orientation précise de l’axe de la galerie, une longueur de 15 mètres était prévue (dont 1 mètre dans la galerie).
Par ailleurs, l’émergence minière résultant de cette galerie a été accidentellement modifiée par les travaux d’aménagement de la plateforme. Ceci a mis en évidence le risque de débourrage pressenti et la nécessité d’adapter la méthode de foration. Le choix de réaliser le forage équipé d’un BOP (bloc obturateur pétrolier) afin de sécuriser le chantier en contrôlant les venues d’eau intempestives a donc été pris.
Ce dispositif ainsi que les autres équipements du forage (vanne, tubage, flexibles) devaient être
en Inox afin de tenir compte de l’agressivité des eaux minières (pH neutre, très forte minéralisation).

 

SONDAGE DE DÉCHARGE PAR SONDAFOR

 

En mai 2015, le BRGM/DPSM a mandaté l’entreprise Sondafor pour la réalisation de ce sondage de décharge. Les conditions d’accès et de foration difficiles ont nécessité des travaux d’aménagement et de sécurisation :

  • l’accès pour les engins était particulièrement délicat, car la piste était étroite et présentait une
    forte pente (60 à 65 %) ;
  • la plateforme de forage était exiguë, située au pied d’un surplomb rocheux et au sommet d’un talweg abrupt ;
  • l’émergence initiale, qui s’écoulait à travers le bouchon de toutvenant, devait être préservée durant les travaux ;
  • son écoulement a été dévié afin d’assurer la traficabilité de la plateforme de forage.

Après avoir sécurisé le site et ses accès, Sondafor a réalisé un avanttrou (longueur 5,50 mètres, diamètre 165 millimètres, réalésage sur 5,20 mètres avec un diamètre de 244 millimètres) afin de sceller, par l’injection d’un coulis adapté, une colonne Inox (plus de 5 mètres de longueur et plus de 6 millimètres d’épaisseur) dans le socle rocheux. Après la mise en place d’un BOP et une fois le délai de
séchage du coulis respecté, Sondafor a ensuite poursuivi l’avant-trou jusqu’à déboucher dans la galerie. Celle-ci a été rencontrée entre 10 et 13,70 mètres de forage ce qui confirme les estimations initiales. Le BOP a permis de contrer les arrivées intempestives d’eau lors de la foration et de mettre en place l’équipement prévu.
Le forage a été réalisé selon un angle montant (8°) permettant un écoulement gravitaire dirigé vers l’extérieur de la galerie et assurant son autocurage. Afin d’éviter les risques de convergence
du trou, il a été équipé d’un tube Inox (10 mètres de longueur et 7 millimètres d’épaisseur).
Enfin, une vanne de fermeture a été installée à son extrémité, permettant, si nécessaire, de décharger
la galerie en urgence tout en contrôlant le débit sortant.
L’installation et la mise en service du boîtier d’instrumentation et de télésurveillance ont été réalisées
en collaboration avec la société Michelier, à Caromb (Vaucluse). Il s’agit d’un dispositif de mesure qui
comprend notamment un manomètre ainsi qu’un transmetteur autonome de valeurs.
Les premiers résultats obtenus par télésurveillance permettent de constater que la pression est comprise entre 0,19 et 0,22 bar. Les valeurs les plus fortes enregistrées ont été observées après des
intempéries, ce qui était, somme toute, attendu. En supposant que 1 bar corresponde à la contrainte
développée sous 10 mètres d’eau, une variation de 0,03 bar est équivalente à une évolution du niveau
d’eau de 30 centimètres. Cela signifie que, normalement, le bouchon en tout-venant situé en extrémité de galerie est suffisamment perméable pour prévenir une montée en pression importante des eaux de mine dans la galerie. Néanmoins, il est importantde souligner qu’aucun événement exceptionnel en matière de pluie n’a été observé depuis la mise en service du dispositif de contrôle.
Il n’est donc pas exclu que la pression puisse épisodiquement s’accentuer.

 

Ainsi, face à des contraintes aussi fortes que celles rencontrées à Soyons, l’adaptation de la méthode
de foration a permis d’atteindre l’objectif de mise en sécurité de la galerie nord avec un chantier qui
s’est déroulé sans aléa. En particulier le recours à un BOP a permis de s’affranchir des risques de surpression lors des travaux de forage.
Enfin, il est intéressant de souligner que la compréhension des ouvrages impliqués et la caractérisation des incertitudes liées au chantier ont entraîné des délais significatifs, mais nécessaires pour assurer le bon déroulement des travaux. Ceci souligne la nécessité de disposer de plans détaillés
et aussi précis que possible pour localiser les ouvrages existants. Idéalement, la consultation de ces
archives doit être complétée par des repérages préalables sur site pour lever d’éventuelles incertitudes
résiduelles.

 

Véronique HOANG
Ingénieur travaux et surveillance au BRGM
Département prévention et
sécurité minière – Unité territoriale
après-mine Sud
Benjamin MOUNIER, Gérant de Sondafor