L'APPORT DE LA GÉOPHYSIQUE À LA GÉOTECHNIQUE : LA CARTOGRAPHIE HAUTE RÉSOLUTION DES SOLS. - <p>Projet autoroutier BREBEMI (Italie), ARP®, EMP, AMP.</p>
01/04/2015

L'APPORT DE LA GÉOPHYSIQUE À LA GÉOTECHNIQUE : LA CARTOGRAPHIE HAUTE RÉSOLUTION DES SOLS.



Carte de résistivité sur le bloc3D acquis lors de la prospection(ZAC de la Gibauderie, 25 hectares,MOA : SEP86).
ZAC des Grands-Philambins (14 hectares, MOA : SEP86). ARP®, EMP, AMP.En évidence : carte ARP® profondeur 2 m. Les cartes mettent notammenten évidence un système de failles et diaclases.

Les technologies d’acquisition de mesures géophysiques
dites à « grand rendement » permettent d’aborder les problématiques géotechniques avec une approche renouvelée, spatialisée, des sols et sous-sols. La géophysique, à l’origine utilisée pour les prospections minières et pétrolières, et appliquée depuis plusieurs décennies dans le cadre d’études ciblées, entre aujourd’hui dans une approche préalable aux sondages, et multithématique (géotechnique, infiltration des eaux pluviales, archéologie, risques environnementaux…).
Explications avec Pierre Collardey de Geocarta.

On compte plusieurs méthodes semi-automatisées d’acquisition massive de données, procurant
des cartes haute résolution du « proche sous-sol » (jusqu’à 10 m de profondeur) : les mesures de résistivité électrique (Automatic Resistivity Profiling - ARP® Geocarta), de conductivité électromagnétique (Electromagnetic Profiling – EMP), de gradient magnétique terrestre (Automatic Magnetic Profiling - AMP® Geocarta) ou géoradar multi- antennes (Ground Penetrating Radar – GPR).
Toutes mesurent des propriétés physiques de façon non destructive, dont les différences trahissent des hétérogénéités liées à des différences de matériaux, des remaniements du sous-sol. Leur précision se traduit en taille de pixelsol : 30 cm, 1 m, 3 m, etc.

L’application la plus évidente concerne les missions G1, ou G2 d’avant-projet, sur des projets d’aménagement portant sur des grandes surfaces, en extension urbaine ou en reconversion d’anciennes zones industrielles. Elle peut aussi concerner des missions G3.

 

  • L'avantage procuré par les cartographies par méthodes géophysiques est triple

 

Ces méthodes couvrent 100 % de la surface permettant une meilleure lecture des formations géologiques et pédologiques, sur des superficies importantes, et un repérage d’anomalies fines qui ne
pourraient que difficilement être repérées par des sondages destructifs ; les propriétés mesurées permettent de discriminer les matériaux de façon fiable, via les expertises jointes du géophysicien
et du géotechnicien ; ces outils étant non destructifs des sols et des cultures en place, ils peuvent être déployés très tôt dans le projet d’aménagement, permettre de mieux anticiper les risques, et servir pour l’extrapolation de résultats de sondages sur des parcelles maîtrisées par l’aménageur.
Les mesures de résistivité (ou de conductivité, qui en est l’inverse) sont utiles pour la géotechnique et
la gestion des eaux pluviales par infiltration. Chaque type de matériau réagit de façon distincte. Lors d’une campagne de mesures, les valeurs enregistrées forment une « signature » des matériaux en place. Les argiles sont très conducteurs, tandis que les sables, les roches et à plus forte raison les cavités sont, eux, très résistants. Entre les deux extrêmes, les limons, marnes...
S’il ne permet pas d’identifier de façon précise et a priori les matériaux en place, ce « scan » du
sous-sol permet dans un premier temps d’orienter les sondages et essais géotechniques, hydrogéologiques. En lieu et place d’un maillage « à l’aveugle », une stratégie de sondages prenant appui sur les mesures de résistivité/conductivité, économe en moyens de sondages destructifs, est mise en place. À mesure que les surfaces sont importantes, l’optimisation des moyens destructifs s’amplifie. Ainsi, sur une opération d’aménagement portant sur plus de 200 hectares, le nombre de sondages nécessaires pour la caractérisation du site en étude préliminaire G1/G2 AVP est divisé par plus de 3.

Au-delà d’un outil de zonage de précision métrique ou inframétrique, l’approche géophysique constitue parfois un préalable indispensable lorsque l’on suspecte des anomalies géologiques fines :
conglomérats rocheux, karsts, poches d’argiles… Ou des traces de l’occupation humaine (vestiges
archéologiques, galeries, marnières, anciennes fondations enfouies, réseaux, cuves...). L’application
des méthodes géophysiques connaÎt ainsi un succès croissant sur les sites et sols pollués, où la recherche de l’encombrement du sous-sol est un enjeu pour la géotechnique et l’environnement, via les risques de libération de polluants par la casse. Les masses métalliques sont localisées précisément, et, parmi eux, les massifs de fondation en béton armé. Idem, pour la sécurisation de sondages au regard du risque pyrotechnique.

 

  • L'innovation

 

Les méthodes à grand rendement sont portées par l’innovation : progrès des appareils de mesure, des GPS, des logiciels de traitement des données. La société Geocarta a ainsi repris et prolongé des travaux de recherche menés au CNRS (laboratoire Sisyphe) sur l’automatisation des mesures de résistivité du sol. Au milieu des années 2000, la précision des GPS est devenue suffisante pour produire des cartes de précision infradécimétrique. Les efforts de développement portent aussi bien sur la mécanique, l’électronique, que sur les développements logiciels. Ces avancées techniques, ajoutées au savoir-faire des ingénieurs, conditionnent la qualité des cartographies et des interprétations.

Les campagnes de mesures sont très rapides sur les espaces ouverts (prairie, champs…). De 5 à
15 hectares sont balayés en une journée. Des quads traînant des capteurs parcourent le terrain en
dessinant des lacets plus ou moins espacés. Une balise GPS de précision centimétrique permet de positionner chaque point de mesure géophysique. Sur chaque profil réalisé, on retrouve une succession de points très rapprochés, au maximum de 25 cm (ARP® : 10 cm), pour chaque couche investiguée (exemples : 0-2 m, 0-6 m). C’est cette multiplicité de points qui, après interpolation, dessine des cartes fines, où les zonages et anomalies ressortent grâce à un traitement en couleurs ou en noir et blanc.
Côté technique, en dehors de la résistivité électrique ou électromagnétique, on peut citer la mesure du gradient magnétique terrestre, utile pour les sites et sols pollués, le risque pyrotechnique
et la recherche archéologique ; le géoradar ; la microgravimétrie ; la tomographie électrique, et sa variante 3D qui permet une modélisation du sous-sol ; la diagraphie électrique ; la sismique...
Toutes ne sont pas capables de produire des cartes haute résolution.

Côté applications, les enjeux derrière l’application de mesures géophysiques à haut rendement dépassent la géotechnique, ce qui fait de ces méthodes un outil intéressant pour une approche intégrée des enjeux liés aux sols. Ainsi, la géophysique haute résolution est utilisée de façon croissante en archéologie, en France comme dans le monde.

 

  • Des méthodes non invasives

 

Le caractère non destructif des mesures est un avantage parfois déterminant, grâce à la possibilité
de travailler sur des parcelles non acquises par l’aménageur ou promoteur, avant acquisition foncière, et grâce à l’économie sur les dégâts aux cultures et sols agricoles qui peuvent se chiffrer en milliers d’euros par hectares.
L’avenir semble donc promis à une intégration de plus en plus systématique des cartographies par méthodes géophysiques pour l’optimisation de la connaissance géotechnique des sites à aménager,
et, partant, des projets euxmêmes. Les connaissances de ces outils se diffusent progressivement.
Il reste néanmoins beaucoup d’efforts de pédagogie à mener pour informer aussi bien les maîtres d’ouvrage, les maîtres d’oeuvre que les bureaux d’études en géotechnique.
Espérons que cet article y contribue.


Pierre Collardey
Chargé d’affaires aménagement
Geocarta