CAMPAGNE DE RECONNAISSANCES GÉOTECHNIQUES POUR LA FUTURE A 79 - <p>Répartition par lot et par entreprise des investigations géotechniques<br />sur le tracé de la future A 79 (Source : GIE Clea).</p>
05/11/2020

CAMPAGNE DE RECONNAISSANCES GÉOTECHNIQUES POUR LA FUTURE A 79


Débroussaillage au bord de la RN 79 pour créer un accès aux machines de forages.
Le Moule CBR surnommé « 17 »comme le département de naissancede Daniel a commencé le projet avecun poids de 3 617 g et a fini à 3 610 gaprès plus de 270 IPI.
Sondage à la tarière au bord de la RN 79.

Ginger CEBTP vient de finaliser la campagne de reconnaissances géotechniques de la mise à 2x2 voies de la RN 79,
pour la société concessionnaire Aliae, détenue par Eiffage et APRR. Ce chantier d’aménagement considérable
s’inscrit dans le cadre de la sécurisation de la route centre-Europe Atlantique (RCEA) qui traverse la France d’est en
ouest. Retour sur une campagne de reconnaissances géotechniques en Sologne bourbonnaise, entre les vallées de
l’Allier et de la Loire.

Le projet consiste en l’élargissement et la mise aux standards autoroutiers de 88 km de la RN 79 entre Sazeret (Allier) et Digoin (Saône-et-Loire).
Surnommée « La route de la mort », la RN 79 est l’un des axes les plus dangereux du réseau national malgré la dizaine de radars fixes et les panneaux de signalisation de danger (124 décès entre 2008 et 2017).
En effet, seule une double ligne continue sépare les deux sens de circulation sur plusieurs portions de l’axe Sazeret-Digoin, non adapté au trafic actuel (estimé à 15 000 véhicules par jour dont plus de 40 % concernent les poids lourds).

 

UN PROJET D’ENVERGURE


Les travaux d’élargissement des voies seront réalisés en deux phases par le groupement concepteur-constructeur du GIE Clea constitué par Eiffage GC et Egis.
Dans un premier temps, deux nouvelles voies seront créées sur un côté de la RN 79 actuelle, puis les deux voies existantes de l’ancienne RN 79 seront requalifiées, avec le basculement de la circulation sur la chaussée nouvellement réalisée.
L’A 79 sera la première autoroute française à bénéficier du péage en flux libre par lecture de plaque d’immatriculation, ou du badge de télépéage par caméra en pleine voie et relié à une transaction
bancaire. Ce dispositif contribue à diminuer les émissions de gaz à effet de serre en supprimant l’arrêt et le redémarrage des véhicules thermiques, et requiert une emprise foncière bien moins importante qu’une barrière de péage pleine voie.
Trois bureaux d’études géotechniques ont été sélectionnés afin d’absorber la quantité de travail colossal et de garantir la qualité des résultats.
Ginger CEBTP, qui possède l’un des plus grands parcs d’ateliers géotechniques de France, constitué de plus de 120 machines, est en charge du lot 3 pour la section courante et les ouvrages d’art entre Dompierre-sur-Besbre et Digoin sur 27 km du tracé.
Une vingtaine d’ouvrages d’art, à ossatures mixtes, à tabliers et à cadres fermés en béton armé sont prévus sur ce lot, ainsi que des écrans acoustiques. Ces ouvrages permettront principalement le passage des cours d’eau, relativement nombreux dans ce secteur. Les ouvrages existants seront doublés pour la mise à 2x2 voies.
Pour les sections courantes, les investigations géotechniques ont pour but de caractériser les futures zones en déblais et remblais pouvant atteindre une hauteur de 8,5 m, mais également, les passages
en profils rasants, zones « préterrassées », bassins et remblais en zone compressible. De plus, des ouvrages en fonçage sont prévus pour le passage de la faune, ainsi que des ouvrages hydrauliques
(PPF, OH).
Les investigations prévues sur site et en laboratoire déterminent la nature des matériaux sur site, identifient les sols et leurs caractéristiques mécaniques.
Ces données géotechniques permettent l’établissement d’un profil en long, étayé par les informations récoltées sur les 88 km du tracé afin d’adapter en conséquence, la conception-construction de l’autoroute. En effet, les archives géotechniques issues de la construction de la RN 79 et récupérées par le GIE Clea sont peu nombreuses et clairsemées sur le tracé.
Cette campagne de reconnaissance a donc pour objectif d’admettre :

  • la prévention des désordres, par une gestion des risques géologiques reconnus en forage (gonflement des argiles, tassement des remblais, arrivée d’eau…) ;
  • les travaux de terrassement avec la réutilisation éventuelle des matériaux de construction sur site en déblai/remblai ;
  • le dimensionnement des soutènements et la stabilisation des talus ;
  • les fondations des ouvrages d’art.

La livraison de l’A 79, prévue pour fin 2021 (en début de campagne), a imposé un planning très serré, à flux tendu et rythme soutenu pour les équipes, autant sur le terrain qu’en agence. L’objectif initial était de débuter la phase d’exécution du projet dès le printemps 2020 sur les 88 km du tracé, sans interruption du trafic.

 

À LA RECHERCHE DE L’ADN DU FUTUR CHANTIER


La notification de marché pour le lot 3 en poche et la réunion de lancement rassemblant les différentes parties réalisées, nous avons passé plusieurs jours sur le terrain avec le conducteur de travaux
afin de nous familiariser avec le relief de la Sologne bourbonnaise et le tracé de notre futur chantier. Téléphone portable en main et EPI sur le dos, nous étions parés pour fouler la bonne terre grasse bourbonnaise. À partir des vues en plan du projet, ainsi que de la base de données des sondages prévisionnels, j’ai rapidement constaté que les sondages répartis sur 27 km nécessitaient la création d’une carte en ligne, facilement accessible et simplifiée, afin de se repérer parmi les chemins de campagne, tous identiques au premier abord.
Cette prospection de terrain a permis de mettre en évidence les facilités et les éventuelles problématiques de la campagne :

  • une grande partie des sondages se situe parmi les taillis et les ronces sur les bords de la RN 79 non entretenus. Une campagne de débroussaillage non négligeable devra être entreprise pour
    créer des accès machines. Des rampes d’accès devront également être réalisées sur les remblais existants afin de permettre aux machines de franchir les talus sans déjauger ;
  • les terrains essentiellement constitués d’alluvions et de sable et argile du Bourbonnais sont connus pour être peu perméables et vite saturés en eau. Les nombreuses zones humides présagent un risque d’embourbement de machines en période pluvieuse ;
  • de nombreuses exploitations (activités agricoles ou élevages bovins) devront être traversées pour accéder aux zones d’investigations ;
  • des sondages se trouvent au bord des voies ferroviaires de la ligne Moulins-Mâcon, impliquant une planification à anticiper quelques mois à l’avance avec la SNCF ;
  • certains accès devront se faire via la RN 79 où circulent en continu des poids lourds marchandises ne respectant pas forcément les 80 km/h instaurés, malgré les nombreux radars présents. Nous avons été surpris par quelques coups de klaxon nous incitant aimablement à
    dépasser la vitesse réglementaire (!) ;
  • la sécurité de nos équipes constitue un sujet primordial. Différents risques sont relevés : sondages à proximité directe de la RN 79, faune sauvage (serpents, araignées, sangliers), présence de bovins ;
  • l’approvisionnement en eau des ateliers de forage nécessitera une tournée matinale bien rodée par citernage, à l’aide de quelques centaines de mètres de tuyaux ;
  • l’avantage non déplaisant en milieu rural est l’absence de bouchons, mais surtout, les réseaux souterrains sont beaucoup moins denses que sur les chantiers du Grand Paris ;
  • les principaux voisins restent essentiellement les poids lourds circulant sur la RCEA, et les charolaises dans les prés.

Ces identifications ont permis de tracer les grandes lignes de la campagne et de donner le cap à ce grand chantier d’infrastructure linéaire traversant les paysages constitués de champs, de marécages et de bovins. Les besoins en matériel, personnels et ateliers de forages ont donc été optimisés en
conséquence.

 

UNE ORGANISATION PILOTÉE PAR LA DIRECTION NATIONALE DES PROJETS


Ce chantier piloté par la direction nationale des projets de Ginger CEBTP, spécialisée dans l’étude des projets nationaux et internationaux de grande envergure, a mobilisé l’ensemble des services multimétiers du groupe. Ginger VScan, spécialisé dans l’étude et la détection des réseaux, la topographie et la cartographie a été sollicité pour le relevé topographique des sondages de la campagne. Ginger Birgeap, spécialisée dans l’environnement a permis la rédaction du dossier de déclaration au titre du Code de l’environnement (loi sur l’eau).
Une vingtaine de personnes ont été mobilisées à temps plein sur site, sous mes ordres et ceux de nos conducteurs de travaux, en chefs d’orchestre.
764 sondages au total ont été réalisés en 4 mois, répartis sur 6 communes, entre les départements de l’Allier et de la Saône-et-Loire.
L’accès à Internet sur tout le tracé a permis la mise en place d’un fichier cartographique simple via Google Maps. Cet outil mis à jour au fur et à mesure de l’avancement est rapidement devenu
indispensable, en complément des plans du projet. Il a permis réactivité et autonomie des équipes en reportant les informations essentielles de la campagne de forages.
Le cahier des charges imposait un rendu des résultats des investigations sous 1 semaine, ce qui impliquait une réactivité et une gestion étroite des données. Une équipe bien rodée aux grands projets
géotechniques assurait le dépouillement depuis les bureaux installés au siège du groupe Ginger, à Élancourt (Yvelines).
Les laboratoires Sols et Routes des agences Ginger de Toulouse, Élancourt, Aix-en-Provence et Béthune ont été mis à contribution pour absorber la quantité d’essais en laboratoire programmés
(essais d’identification, de mécanique et de traitements de sols sur échantillons remaniés et intacts), via l’envoi hebdomadaire de demi-tonnes d’échantillons par transporteur.
Tous les laboratoires impliqués dans le projet ont participé à des analyses tests pour comparer les valeurs obtenues et passer un audit concernant le traçage des échantillons du terrain au laboratoire.
Au total, près de 1 000 teneurs en eau, 500 granulométries, 450 VBS, 490 IPI et 70 Proctor ont été effectués. Autant dire que de nombreux outils, dont le moule CBR de notre laborantin Daniel
au laboratoire de Toulouse, ne risquent pas de passer la prochaine vérification métrologique !

 

PREMIER IMPRÉVU !


Le projet traverse des zones à enjeux écologiques différentes (zones natura 2000, zones d’espèces ou d’habitats protégés, zones protégées spécifiques telles que le val d’Allier…). La préservation de ces habitats et de ces espèces est donc une priorité, d’autant plus que la situation de sécheresse lors de l’été 2019 dans le département de l’Allier a été particulièrement préoccupante. Des préconisations ont donc été établies pour pouvoir réaliser la campagne de reconnaissances géotechniques tout en
préservant au mieux les enjeux écologiques le long de la RN 79.
Alors que les plannings des premières semaines étaient déjà ficelés et que du matériel avait été amené sur site, les interventions sur le terrain ont été suspendues par décision des services de l’État, en lien avec d’éventuels enjeux environnementaux. Somme toute, aucun sondage n’a été réalisé avant le passage de l’écologue chargé de la validation des implantations, des chemins d’accès et de la mise en défens des zones d’intérêt écologiques. Une note méthodologique a été diffusée par la MOE pour chaque sondage, permettant de respecter au mieux l’intégrité des habitats, les espèces protégées et les zones naturelles.
Des créneaux additionnels ont été bloqués pour effectuer des tournées en voiture avec des arrêts minute sur les sites sensibles en présence de l’écologue.
Ces tournées n’étaient pas de petites balades bucoliques ! Il fallait traverser les ronces, se frayer un passage parmi les taillis touffus et épineux, sauter les clôtures de barbelés et affronter les charolaises
gourmandes sur l’ensemble du tracé. À l’issue de cela, l’ensemble du tracé a pu être mis en défens (habitats et espèces protégées).
Les principales consignes de préconisation environnementales suivantes ont été dressées :

  • kit antipollution obligatoire quelle que soit la zone d’intervention ;
  • rapport obligatoire en cas de mortalité d’une espèce animale protégée (hérisson, chiroptère, oiseau…). Des photos devront être transmises au plus vite (le jour même) au superviseur des
    sondages géotechniques, même en cas de doute sur le caractère protégé de l’espèce ;
  • passage à pied avant débroussaillage pour effaroucher les animaux ;
  • pas de passage à gué des rivières, ni de pompage dans les points d’eau naturels ;
  • inspection visuelle avant intervention en zones humides. Pour faciliter le franchissement de ces zones et éviter de trop grosses dégradations, des plaques de roulage ont été mises à disposition sous réserve d’autorisation et de leur traçage préalable auprès du client.

Finalement, la campagne d’investigations géotechniques a débuté en octobre 2019, dans un contexte écologique contraint, une météo moins favorable et un aléa fort vis-à-vis de la sécurité, les épaisses nappes de brouillard intrinsèques à la saison dans la région, devenant quotidiennes, et la saison de la
chasse ayant repris.

 

LA PLANIFICATION PAR LA  DÉFINITION DES ACCÈS

 

Le déblocage des accès et l’ordre de priorité de réalisation des sondages pour les études ont conditionné le planning de réalisation de la campagne.
Les sondages nécessitant d’emprunter la RCEA ont été réduits au strict minimum pour ne pas perturber l’important trafic routier et limiter les opérations conséquentes de mise en sécurité des équipes.
De ce fait, les accès aux sondages ont bien souvent impliqué un cheminement sur plus de 1 km. Sachant qu’un atelier de forage a une vitesse d’avancement de 3-4 km/h, et que, par mauvais temps,
les terrains bourbonnais deviennent vite marécageux, cela a impacté le temps de mise en place des ateliers, indépendamment de la bonne volonté de l’opérateur ou de son expérience.
Lors de notre intervention, les limites strictes de l’emprise du projet autoroutier sur les parcelles privées n’étaient pas encore fixées. Les habitants n’avaient pas encore connaissance des expropriations à venir bien que nos interventions chez eux auguraient le futur. 35 états des lieux ont ainsi été établis, fixant les règles de cheminement à travers les parcelles privées avec l’aide de l’opérateur foncier désigné par Aliae. Ces journées à la rencontre des Bourbonnais ont été une belle expérience de vie et de partage des habitudes locales. Les exploitants souhaitant échanger sur l’histoire de cet axe routier majeur nous invitaient à nous désaltérer autour des plans d’accès et de leurs drains étalés sur la table.
Un des nombreux points de contrôle strict, pour ne pas se retrouver face à un sanglier, un chevreuil ou une vache traversant la RCEA, a donc été le suivi des démontages et remontages des clôtures de protection contre la faune sauvage en fils barbelés et le grillage anti-sangliers.
Les surveillants de chantiers du GIE Clea oeuvraient à temps plein pour suivre nos équipes et reporter son bon déroulement. Ce partage sur la gestion du projet, dès le départ avec l’ensemble des intervenants et la communication inhérente a constitué un précieux atout pour l’exécution des investigations et la réussite du projet, malgré le rythme soutenu et les aléas.

 

PLACE À L’INGÉNIERIE


Ce grand projet d’envergure a tout d’abord sollicité l’investissement, la communication et les échanges entre tous les corps de métiers présents. Tout au long de cette aventure humaine, notre ligne de conduite a été de tenir les délais, malgré les aléas, et de fluidifier l’avancement et les cadences en respectant au mieux la sécurité des équipes. Les grands projets avec de forts enjeux nécessitent que les informations circulent, sans perdre l’objectif final des investigations menées. Depuis l’opérateur qui sonde le terrain jusqu’aux équipes de maîtrise d’oeuvre, le rôle primordial et pivot du coordinateur
des investigations sur site est aussi de consulter ses équipes et de transmettre avec réactivité les particularités du terrain afin de ne négliger aucun risque en phase d’étude.
La fin du chantier des investigations géotechniques de la première phase, laisse place aux campagnes complémentaires et à la phase d’analyse des résultats par la maîtrise d’oeuvre du GIE Clea, à pied
d’oeuvre pour la conception-réalisation de la RCEA.
Les principales problématiques géologiques rencontrées sur la section courante et les ouvrages d’art du lot 3 concernent notamment :

  • les argiles gonflantes en arase,
  • la caractérisation des déblais présentant des faciès argileux/marneux, voire des faciès charbonneux,
  • le tassement des remblais existants,
  • le dimensionnement des culées des ouvrages d’art existants, à doubler pour la mise en 2x2 voies dans un contexte d’emprise au sol étroit,
  • la caractérisation de cette nappe particulièrement artésienne sur site SNCF, qui a nécessité plusieurs interventions pour un rebouchage étanche !

La mise à 2x2 voies de l’actuelle RN 79 est aujourd’hui planifiée pour une ouverture au printemps 2022.

 

Berivan Aslan
Ingénieure géologue-géotechnicienne
Direction nationale des projets
Ginger CEBTP