LA CARACTÉRISATION TRIDIMENSIONNELLE DES VIDES SOUTERRAINS : ÉVOLUTION ET RETOUR SUR EXPÉRIENCE
01/04/2017

LA CARACTÉRISATION TRIDIMENSIONNELLE DES VIDES SOUTERRAINS : ÉVOLUTION ET RETOUR SUR EXPÉRIENCE





Cartographie tridimensionnelle d’une marnière(crayère) à deux étages ayant recoupé unecarrière plus ancienne et moins profonde (puitsd’accès actuel en gris ; puits initial non connuen vert) – profondeur maximale 36 mètres /volume des vides 2 600 m3 .
Géométrie d’une galerie de marnièresen arrière d’un effondrement – nuagede points brut.
Cartographie d’un fontis au ciel d’unegalerie de mine – nuage de points brut.

De la cartographie du risque à son traitement, la société EXPLOR-E, créée il y a huit ans en Normandie, poursuit l’intégration de nouvelles solutions techniques afin de préciser la
géométrie des vides, accessibles ou non.

Carrières, crayères, catiches, karst, marnières, mines…, la langue française est riche de mots illustrant la très grande diversité des cavités souterraines qui sapent notre sous-sol. Au fur et à mesure de la prise en compte des données anciennes dans les documents d’urbanisme, l’héritage se révèle immense.
Dans le même temps, sous l’effet du vieillissement, ces cavités se rappellent à notre souvenir en indui-
sant retard et surcoût de réalisation des constructions ou évacuation de bâtiments déjà réalisés. Malgré une expertise amont de plus en plus pertinente, la connaissance reste partielle et généralement non exhaustive.

 

APPORT DES FORAGES DESTRUCTIFS AVEC ENREGISTREMENT DE PARAMÈTRES

 

Depuis les années 1980, face à ce défi et confrontés aux attentes des maîtres d’ouvrage, géologues et géotechniciens ont tenté d’apporter des solutions techniques afin de localiser et dimensionner ces cavités souterraines.
Toutes les cavités n’étant pas accessibles et la géophysique ne pouvant être appliquée à toutes les situations, les forages destructifs avec enregistrement de paramètres se sont imposés comme une solution fiable afin de s’assurer de la présence ou de l’absence de cavité souterraine.
Mais si les forages destructifs permettent bien la mise en évidence de la cavité, l’objectif n’est pas totalement atteint : comment dimensionner ce vide ? Comment est-il orienté dans l’espace ? Ainsi, si la multiplication des sondages ou le comblement à volume perdu ont longtemps constitué les solutions les plus logiques, ces méthodes restent aléatoires et ne répondent pas véritablement aux attentes des maîtres d’ouvrage qui sollicitent généralement la définition d’un budget prévisionnel détaillé.

 

DES INSPECTIONS VIDÉO CONVENTIONNELLES…


Avec la miniaturisation et l’amélioration des techniques optiques, des solutions vidéo ont été progressivement proposées. En plus de connaître l’existence de la cavité, il devenait possible de la voir, d’apprécier son état de vétusté ; il devenait également plus aisé de faire prendre conscience de l’enjeu face aux images de ce monde souterrain.

 

… AUX RELEVÉS TRIDIMENSIONNELS


Mais, si l’image était là, le dimensionnement de la cavité ainsi que son orientation sont restés pendant longtemps au stade « artisanal » en utilisant des méthodes simples (incrustation d’une boussole dans l’image, mesures laser ponctuelles…) qui pouvaient rester imprécises. Le développement récent d’outils ayant recours à des centrales inertielles (Inertial Measuring Unit ou IMU) permet maintenant de s’affranchir de ces contraintes, et il est dorénavant possible d’avoir recours à des équipements adaptés permettant une véritable connaissance tridimensionnelle des vides avec un rattachement efficace au Nord donc une meilleure projection du risque en surface.

 

CAVITÉS NON ACCESSIBLES

 

Bien que la sécurisation préalable du forage et le diamètre de l’équipement à mettre en oeuvre restent
des contraintes fortes en préalable à l’inspection, il est maintenant possible de réaliser des relevés
tridimensionnels en forage avec une précision inégalée grâce à la mise en oeuvre de programmes d’acquisition automatiques.

Bloqué en tête, ayant « intégré » la direction du Nord magnétique en surface, le système va ainsi
balayer progressivement les parois de la cavité pour permettre la constitution d’un nuage de points
très dense (plusieurs dizaines de milliers de points de mesure).

Bien entendu, la principale limite des mesures sur forage reste le mode d’acquisition sphérique,
appliqué à une verticale : la reconstitution de l’ensemble d’une cavité nécessitant la multiplication des forages d’inspection devant être répartis judicieusement en fonction des obstacles.

 

CAVITÉS ACCESSIBLES


En ce qui concerne les cavités accessibles (mines, carrières…), le recours à une boussole avec un télémètre laser constituait jusqu’alors la solution la plus commune. L’association d’un scanner avec une centrale inertielle permet maintenant de s’affranchir des stations de mesure, organisation qui
s’avérait souvent lourde en souterrain au regard des obstacles qu’il était indispensable de contourner
(piliers, éboulis…).
Établir une cartographie tridimensionnelle a ainsi été simplifié : la phase d’acquisition qui précédemment se comptait en heures ou en jours, dans des environnements généralement hostiles,
peut maintenant être réduite tout en atteignant une précision centimétrique.

 

INTÉRÊTS DES MÉTHODES

 

Les applications sont étendues et permettent véritablement de préciser le développement des
établissements souterrains, de leur extension générale à leurs particularités les plus détaillées.

  • Cartographier : Du 2D initial, il est dorénavant possible de travailler en 3D et d’étudier la cavité sous tous ses angles ;
  • Projeter : le rattachement au Nord permet de projeter avec précision l’extension de la cavité en surface donc de préciser les zones de risque ;
  • Comparer : la précision des mesures et la modélisation des process permettent de constituer des relevés pouvant être comparés dans le temps et dans le cadre d’un protocole de surveillance ;
  • Illustrer : confrontés à la demande croissante des maîtres d’ouvrage, aspirant à comprendre avant d’entreprendre, la modélisation 3D offre un support interactif inégalé.

Maintenant que les outils existent, il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit de métiers nouveaux et
complémentaires qui associent la capacité de l’entreprise à se projeter dans le monde souterrain (par
forage ou physiquement) au traitement de données numériques qui, à l’origine ne sont constituées que
de millions de points.
L’ingénieur ou le technicien gardent donc leur place, et il s’agit bien uniquement d’outils qui ne peuvent remplacer la capacité du géologue ou géotechnicien à caractériser le risque.


Jean-Christophe SERVY
Géologue et créateur-dirigeant d’explor-e