CREUSEMENT DES AMORCES DE LA GARE IGR : UNE MISSION DE SUIVI PASSIONNANTE - <p>Coupes de la gare Villejuif-IGR (document CAP).</p>
10/12/2021

CREUSEMENT DES AMORCES DE LA GARE IGR : UNE MISSION DE SUIVI PASSIONNANTE


Solution, phasage et cibles de convergence (points rouges) pour la L14.
Recalage de la stratigraphie.
Amorce sud : évolution des tassements mesurés par l’extensomètre et calage en clé.
Excavation lors des terrassements de la L14.

On ne présente plus la gare emblématique Villejuif - Institut-Gustave-Roussy qui verra en 2025 se croiser la ligne 14 sud et la ligne 15 sud du Grand Paris Express. Parmi tous les travaux de génie civil exceptionnels réalisés par le groupement d’entreprises CAP, l’étude et le creusement des quatre amorces souterraines ont été l’un des faits marquants pour Terrasol, en charge de la mission de suivi géotechnique au sein de la maîtrise d’œuvre Setec.

Cette gare est en effet un ouvrage majeur pour le Grand Paris Express permettant une interconnexion la ligne 14 (axe nord/ sud), avec un prolongement au sud vers l’aéroport d’Orly, et la ligne 15 allant d’est en ouest. La partie centrale de la gare est un fût circulaire enterré, de 63 m de diamètre, et 52 m de profondeur, avec 9 niveaux de planchers intermédiaires.

Les amorces sont en fait des excroissances au droit des lignes 14 et 15 qui permettent d’accueillir des quais d’une longueur totale de 110 m pour la ligne 15, et 100 m pour la ligne 14.

C’est en particulier par le planning de réalisation très contraint que ce chantier se distingue. Pour que le tunnelier de la ligne 14 puisse traverser la gare en construction en décembre 2019, il fallait que creusement et revêtement des amorces soient terminés, ainsi que le pont provisoire de la ligne 14. Pour gagner un temps précieux, une méthode de creusement type NATM a été proposée par le groupement. Pour le creusement des deux amorces de la ligne 14 (L14), un boulonnage radial très dense a été associé à des cintres réticulés en demi-section supérieure. Cette précaution s’imposait par la présence d’argiles vertes (AV) très plastiques, en voûte sur 1 à 2 m, surmontant 4 m de marnes de Pantin (MP) puis les marnes d’Argenteuil (MA) supérieures. Pour les amorces de la ligne 15 (L15), creusées dans les MA inférieures et les masses et marnes du gypse (MMG), un boulonnage plus léger a été réalisé avec une optimisation des sections d’excavation compte tenu des enseignements des creusements des amorces supérieures.

 

LES ENJEUX DU SUIVI GÉOTECHNIQUE

 

La réalisation d’une telle méthode de soutènement associée à un phasage de terrassement peu courant dans ces terrains pour la ligne 14 a nécessité de la part des bureaux d’études de l’entreprise et de la maîtrise d’œuvre des études poussées et un dialogue étroit pour mettre au point et sécuriser cette solution. Le phasage d’excavation commence en effet par la partie centrale (50 m2 par passes de 1,2 m), avec la mise en œuvre d’un nombre de boulons très important, puis enchaîne sur les abattages latéraux (23 m2 par passes de 0,6 m), la réalisation d’un contre-radier et enfi n le stross en deux temps (42 puis 32 m2 , par passes de 2,6 m).

Parmi les mesures de réduction des risques, le suivi des terrassements du puits central réalisé conjointement par le groupement et Terrasol, a joué un rôle majeur en permettant d’affiner la position des interfaces des formations et de contrôler la qualité des futurs fronts d’excavation.

Un point crucial a été également la réalisation et le suivi des essais d’arrachement des boulons. Différentes techniques de réalisation (mortier/résine, barre HA25/R32S, HA/fi bre de verre) ont été testées dans chaque horizon. Les résultats de ces essais se sont révélés très différents entre L14 et L15 :

  • au niveau des terrains à dominante argileuse ou marno-argileuses et parfois humides des amorces de la L14, les capacités de cisaillement issues des abaques Clouterre initialement prises en compte dans les calculs n’ont pu être atteintes de manière systématique, quels que soient la technique de scellement ou le type de barre utilisé. Les boulons scellés à la résine ont donné des résistances de scellement nettement meilleures que ceux scellés au mortier. Par ailleurs, la présence d’eau en forage contribuait à diminuer drastiquement les résistances des scellements. Du fait de leur grande dispersion, groupement et maîtrise d’œuvre ont sélectionné les résultats, analysé les écarts et mené une analyse statistique pour retenir un jeu de paramètres réaliste pour la mise à jour des études d’exécution. En définitive, le frottement limite unitaire a dû être réduit à 90 kPa dans les 3 formations là où il variait d’après les abaques entre 120 kPa pour l’AV à 280 kPa pour les MA.
  • au niveau des amorces de la L15, les comportements de la base des MA, plus marneuses et compactes qu’en tête avec présence en pied de bancs de gypse, et celui des MMG, ont été bien meilleurs. Les capacités de cisaillement issues des abaques ont ainsi pu être atteintes et même revues à la hausse pour les MMG (580  kPa au lieu de 370  kPa dans les abaques) avec un scellement classique au mortier.

Les essais de boulons ont permis de finaliser la technique de forage, et d’ajuster les capacités de cisaillement selon les stratigraphies. En présence des AV en calotte de l’amorce de la L14, une méthode de forage à l’air en rotation pure a été retenue (surchauffe et casse du marteau en roto-percussion), de diamètre 64 mm, avec mise en place de boulons HA25 ou barre autoforante R32 et une injection à la résine. Pour les amorces L15, le même diamètre de forage, la même technique de réalisation ont été retenus, mais avec un scellement classique au mortier, plus simple et plus rapide à mettre en œuvre.

 

SUIVI, AUSCULTATION ET ANALYSE

 

Des mesures conservatoires avaient été prévues en cas d’imprévus, notamment des déplacements trop importants. Ainsi, pour la L14, une solution de renforcement par micropieux des pieds de cintre pouvait être mise en œuvre à tout moment. C’est le suivi pointilleux du système d’auscultation qui a permis d’écarter ce besoin.

Le système d’auscultation comprenait :

  • en surface, une trentaine de cible selon une maille 5 par 5 m,
  • deux sections renforcées, composées d’un extensomètre à l’axe des amorces couplé à deux inclinomètres de part et d’autre,
  • des sections de convergence dans les amorces aux différentes phases, tous les 5 m et mesurées de façon automatique,
  • des jauges de contraintes pour suivre la mise en tension des boulons.

Nous ne présenterons ici que quelques comparaisons entre mesures et calculs en surface, au niveau des ancres des extensomètres et sur les profi ls de convergence.

La figure suivante montre en trait fin les mesures extensométriques cumulées phase après phase, ainsi qu’en trait plus épais le cumul des tassements au niveau de la cible située en clé de voûte de l’amorce. En fin de creusement, le tassement en surface a atteint 25 mm, pour environ 55 mm en clé de voûte.

 

La figure suivante synthétise les différentes mesures aux périodes de fi n de réalisation du four, fi n de réalisation des calottes, puis fi n de réalisation du stross, et les compare aux calculs d’exécution. Si la phase de réalisation du four paraît bien simulée, lors de la réalisation des calottes on constate une sous-estimation des déplacements de la voûte mais une surestimation des tassements en surface.

Ce sont ces mesures rassurantes des cibles en surface et des mesures extensométriques, ainsi que les réserves en termes de résistance des soutènements qui ont permis de relativiser les déplacements plus importants que prévu mesurés dans la section, et ainsi limiter l’impact chantier (pas d’arrêt de chantier pour dépassement de ces seuils).

On constate également que la voûte, appuyée sur ses pattes d’éléphant en fi n de réalisation des calottes, tasse de façon assez uniforme (pour 2/3 du fait du tassement de ses appuis, pour 1/3 du fait de la fl exion de la voûte).

Même s’ils sont primordiaux pour assurer la stabilité, l’effet des boulons sur les déplacements paraît relativement limité. Ces boulons n’agissent pas comme un accrochage de la voûte elle-même, mais plutôt comme une armature réalisée dans un massif de sol assez déformable (les AV).

Les mesures extensométriques permettent de constater une diffusion et une atténuation très importante et linéaire des tassements vers la surface, ce que le modèle numérique EXE ne permet pas d’atteindre avec les paramètres considérés. Dans ce modèle, la différence de tassement entre voûte et TN est beaucoup plus faible. La diffusion linéaire de ces tassements semblait donc montrer que l’ensemble des couches sus-jacentes participent de façon assez homogène à l’effet de voûte, et que les contrastes de résistance et de déformabilité jouent peu.

En plus du travail de suivi et de comparaison aux seuils, Terrasol réalisait un exercice de compréhension des mesures et de rétrocalage d’un modèle aux éléments fi nis sous Plaxis 2D (le modèle EXE étant réalisé sous Rocscience RS2). Ce modèle, a servi notamment en fin de phase demi-sup pour vérifier qu’un recalage permettant d’aboutir à des tassements plus proches des mesures au niveau des piédroits ne conduisait pas à des déplacements inconsidérés en phase stross. Sans rentrer dans des détails de modélisation, en partant des paramètres de sol EXE, le calcul aboutit à des tassements en surface et en voûte surestimés, et à un amortissement des tassements dans les terrains sus-jacents mal reproduit. Une simple diminution des taux de déconfi nement à l’excavation a réduit les écarts de tassement. En contrepartie, il a fallu augmenter la cohésion des MA afin de limiter la plastification due au poinçonnement sous les piédroits.

En revanche, l’allure du profil de tassements entre la voûte et la surface n’a pu être reproduite parfaitement. Le profil recalé présenté s’est fait au prix de modifications peu satisfaisantes du comportement des terrains de couverture (forte augmentation des cohésions, K0 de 1, diminution des contrastes de déformabilité). Il n’en reste pas moins que ce type d’exercice est le passage obligé d’un suivi de qualité et un outil d’aide à la décision important.

 

Gilles Chapron Responsable d’équipe (Terrasol)

Anthony Bachelier Chef de projet, responsable du suivi (maîtrise d’œuvre Setec TPI/Terrasol) Charline Dano Chef de projet (Terrasol)

Hervé Le Bissonnais Directeur général délégué (Terrasol)