GARE DE CLICHY-SAINT-OUEN : UNE COQUE DE GLACE POUR CONSTRUIRE SOUS LE RER C
01/06/2018

GARE DE CLICHY-SAINT-OUEN : UNE COQUE DE GLACE POUR CONSTRUIRE SOUS LE RER C


Le puits de la future baie d’aération mécanisée servira de puits de sortie du tunnelier provenant du puits Glarner à Saint-Ouen, alors que les travaux de réalisation de l’ouvrage cadre battront leur plein.
La station Clichy-Saint-Ouen qui s’étend sur 170 m de longueur pour 16 m delargeur a été creusée en taupe. Elle repose sur un radier injecté à 25 m sous terre.
La congélation de la coque est obtenuepar injection d’azote liquide, puismaintenue par injection de saumure.Ici, les piédroits qui ont une épaisseurde 80 cm à - 10 °C.
La congélation de la coque est obtenuepar injection d’azote liquide, puismaintenue par injection de saumure.Ici, les piédroits qui ont une épaisseurde 80 cm à - 10 °C.
La pression hydraulique sur les paroismoulées servant de tympan àl’ouvrage cadre est surveillée.9 forages drains ont étépratiqués pour éviter lesperturbations hydrauliques.

Dans le cadre du prolongement nord de la ligne 14 du métro parisien, la RATP a prévu l’utilisation de la congélation pour étancher et conforter les terrains durant la réalisation d’un ouvrage cadre permettant le passage du métro sous la ligne du RER C en exploitation. La technique rare et délicate est mise en oeuvre avec une batterie de précautions par le
groupement d’entreprises piloté par Spie Batignolles Génie Civil.

Déjà attributaire d’un premier marché concernant la construction du site de maintenance et de remisage de la RATP (projet SMR01), Spie Batignolles Génie Civil a décroché le lot T03 du prolongement de la ligne 14 du métro parisien. Le lot comprend la réalisation de 6 ouvrages :

  • la station Clichy-Saint-Ouen qui s’étend sur 170 m de longueur sur 16 m de largeur ;
  • un accès principal à l’extrémité est de la gare qui permet la connexion entre la ligne 14 et le RER C ;
  • un accès secondaire à l’extrémité ouest de la gare ;
  • un accès Sanzillon, qui permet de raccorder la station à la ville de Clichy via l’accès secondaire;
  • la baie d’aération mécanisée (BAM) qui servira de puits d’aération et de secours en phase
    d’exploitation ;
  • enfin, l’ouvrage cadre qui permet de raccorder la station avec la baie d’aération mécanisée par un tunnel sous le RER C existant.

Le génie civil de la majorité des ouvrages est aujourd’hui en voie d’achèvement. Creusée à 25 m de profondeur, la station de Clichy-Saint-Ouen laisse déjà apparaître les parois moulées sans habillage qui seront visibles par les usagers depuis les quais. De même, pour les 11 butons circulaires en béton armé qui forment des colonnes monumentales de 2 m de diamètre sur toute la hauteur de la station. Deux ouvrages restent encore à réaliser : l’entrée de Sanzillon (voir encadré jet-grouting p. 79) et l’ouvrage cadre qui mobilise toutes les attentions par l’emploi de la congélation.


INCONTOURNABLE CONGÉLATION


« La technique de la congélation est rare, mais a déjà été employée par le passé sur l’A86, l’A12 et le métro de Lille, notamment. Coûteuse, elle s’impose ici pour plusieurs raisons : principalement parce qu’il n’était pas possible d’enfouir plus profondément la ligne et la station pour des questions de sécurité ; l’évacuation des usagers doit pouvoir se faire dans des temps limités ce que ne permettaient pas les escaliers mécaniques actuels. La construction de l’ouvrage cadre s’inscrit donc dans les sables de Beauchamp, relativement argileux et trop fins pour pouvoir faire l’objet d’une injection efficace au coulis de ciment », indique Laurent Buissart, directeur de projet du groupement d’entreprises conduit par Spie Batignolles Génie Civil. Le traitement des terrains à effectuer avant de réaliser l’ouvrage cadre est donc de 2 natures : des injections de coulis de ciment dans la couche supérieure de marno-calcaire et la congélation dans la couche de sables de Beauchamp.
Le principe de la congélation est simple : il consiste à faire circuler de l’azote liquide (-196 °C) dans des tubes forés qui congèlent le terrain à l’entour. Une fois cette congélation atteinte, il s‘agit de maintenir une température de - 10 °C en faisant circuler dans les mêmes forages de la saumure (mélange d’eau et de sel), refroidie en permanence par un groupe frigorifique.
Si la première étape est relativement courte, la seconde s’étend sur l’ensemble de la durée de réalisation de l’ouvrage, soit près de 1 an en l’occurrence, compte tenu du nombre des étapes à respecter.


DES FORAGES À HAUTE PRÉCISION


La constitution de la coque congelée sur une longueur de 26 m a nécessité la réalisation de 154 forages horizontaux de 15 m effectués à partir de la gare de Clichy-Saint-Ouen et du puits de la baie d’aération mécanisée. Installé sur une pelle, le mât de forage a été spécifiquement adapté pour répondre aux contraintes d’exiguïté du site. Les forages sont couplés afin de permettre la mise en place de tubes d’injection permettant un circuit aller-retour de l’azote liquide et de la saumure injectée. L’ensemble doit respecter un haut degré de précision. « Nous avions droit à 1 % de déviation ! Ce qui veut dire que nous devions atteindre une cible de 15 cm pour chacun des forages de 15 m de longueur. Des sondes gyroscopiques nous permettaient de contrôler la position de la tête de forage à tout moment », précise Laurent Buissart. Difficulté supplémentaire, ces forages, qui ne devaient évidemment pas toucher les barrettes de fondation de l’ouvrage du RER C, se déroulent sous nappes. Le groupement d’entreprises a donc travaillé avec des sas et une cheminée d’équilibre afin d’équilibrer la nappe et ne pas risquer un débourrage du terrain. Une fois réalisés, les forages sont équipés des tubes en cuivres adaptés à la température et à l’injection de l’azote liquide d’un diamètre de 28 mm. Peuvent alors commencer les phases de mise en froid de « l’ouvrage ».

 

MISE EN FROID PAR ÉTAPES


Vue en section, la coque forme un « 0 » dont la congélation est décomposée en 3 étapes : d’abord les
2 piédroits espacés d’environ 15 m et formant des murs latéraux hauts de 8 m (pour 26 m de longueur), ensuite la contre-voûte (socle du 0), et enfin la voûte. Les piédroits font 80 cm d’épaisseur, contre 60 cm pour la contre-voûte et la voûte. Pour les besoins de l’injection d’azote liquide, 2 silos de
50 000 litres sont installés, alimentés par camions-citernes toutes les 2 à 3 heures. Le circuit de l’azote
liquide est en effet ouvert : il est injecté dans les tuyaux « aller » et revient par le tuyau « retour », pour ensuite s’échapper sous forme de gaz dans une cheminée préalablement aménagée. L’opération
délicate nécessite des précautions pour la protection des travailleurs (voir encadré). La congélation des terrains suscite aussi un gonflement modifiant l’équilibre des terrains en place et de déstabiliser le radier du RER C situé à quelques mètres au-dessus. « Nous avons déployé une série de capteurs de vibration, de bruit, de relevés au théodolite ainsi que des piézomètres automatisés, qui transmettent une alerte sur nos téléphones en cas de désor-dre significatif », intervient Laurent Buissart.
Les températures de congélation sont également sous haute surveillance. La couche de terrain
congelé est en effet proportionnelle à la température atteinte et un écart de quelques degrés en
plus ou en moins suffit à doubler ou à diviser par deux l’épaisseur de la coque.

 

ACQUISITION ET SUIVI DES TEMPÉRATURES

 

21 forages de thermocouples ont été réalisés afin de mesurer les températures effectives. Sur toute
la longueur de chacun de ces forages sont répartis une dizaine de capteurs dont l’acquisition est
réalisée toutes les 15 min. Un suivi informatisé permet d’établir une cartographie précise des températures. « On obtient ainsi un nuage de points qui n’est considéré comme bon que si le résultat de chaque capteur est au niveau requis », précise Laurent Buissart qui s’enthousiasme sur le fait que la précision du gros oeuvre s’allie sur son chantier à la précision de laboratoire. L’analyse des points a été confiée à un expert extérieur, Undergroud Consulting. Les travaux de congélation étant pour leur part sous-traités à la société italienne spécialisée ICOP. Parallèlement, l’emploi de la technique fait l’objet de recherche et développement par les bureaux d’études des sociétés du groupement.
Le suivi des températures est prolongé durant la phase de stabilisation obtenue par l’injection de saumure.

Cette dernière est lancée après 8 heures d’attente afin de laisser retomber la température à un niveau ne provoquant pas la congélation des tubes de saumure. Le délai est d’ailleurs utilisé pour équiper les têtes d’injection de jonctions compatibles avec le diamètre plus important des tubes de saumure (50 mm). « Au moment du basculement, durant 3 semaines, nous avons mené une série de tests afin de nous assurer que la coque ne subissait pas d’érosion provoquée par frottement et circulation d’eau environnante. En cas de problème, le seul plan B était la remise sous azote liquide, ce qui n’a pas été nécessaire ! », se satisfait le directeur de projet du groupement d’entreprises Spie Batignolles et Vinci.

 

Philippe Morelli