INSTRUMENTATION AVANCÉE DE LA GARE FORT-D'ISSY-VANVES-CLAMART : FIBRE OPTIQUE ET CELLULES DE PRESSION POUR AUSCULTER LA PAROI MOULÉE
01/06/2018

INSTRUMENTATION AVANCÉE DE LA GARE FORT-D'ISSY-VANVES-CLAMART : FIBRE OPTIQUE ET CELLULES DE PRESSION POUR AUSCULTER LA PAROI MOULÉE


Vue récente de la gare à 16 m de profondeur.
Panneau instrumenté.
Cellules de pression.
Cage équipéede fibre optique

Sous l’emblématique passerelle bleue « Alice », empruntée quotidiennement par les voyageurs pour accéder aux quais du Transilien N, les travaux de construction de la nouvelle
gare Fort-d’Issy-Vanves-Clamart progressent à bonne allure. La gare constitue à elle seule le lot B du tronçon T3 de la future ligne 15 sud du réseau du Grand Paris Express. Ce lot a été attribué au groupement Horizon, composé des entreprises Bouygues Travaux Publics et Soletanche Bachy, qui a démarré les travaux au printemps 2016. Terrasol intervient au sein de la maîtrise d’oeuvre études et travaux de l’ensemble du tronçon T3, attribuée en 2013 au groupement Setec-Ingérop.

Les travaux de paroi moulée de l’enceinte de la « boîte gare » (110 m x 23 m) se sont achevés en juillet 2017. Ils ont été suivis du ripage de la dalle de couverture pendant une ITC (interruption temporaire de circulation) de 100 h en août dernier. Puis le creusement a officiellement démarré en octobre 2017 : plus de 30 000 t de déblais ont déjà été évacuées avec 1 200 rotations de camions ; le plancher du niveau N-1 est entièrement achevé et le plancher N-2 est en cours de construction ; le terrassement a déjà atteint 16 m de profondeur, c’est-à-dire la moitié de la profondeur finale. Le radier sera réalisé à 32 m de profondeur. Une fouille aussi profonde et étroite (ratio largeur/profondeur de 0,7) nécessite un soutènement robuste. En effet, la paroi en place, épaisse de 1,2 m,
traverse un horizon de Calcaire Grossier dégradé, la fameuse couche d’argile plastique surconso-
lidée, puis les marnes de Meudon, pour venir s’ancrer dans la craie à 41 m. La fiche de la paroi est ainsi de 9 m sous le fond de fouille.
L’optimisation du phasage des travaux a conduit à diviser la gare en 3 zones distinctes : 2 puits (l’un à l’est, l’autre à l’ouest) qui seront terrassés avec 5 niveaux de butons provisoires, les planchers définitifs étant réalisés en remontant après l’arrivée des tunneliers des lots adjacents, et une zone centrale qui sera réalisée en taupe (réalisation des planchers définitifs à la descente). Depuis la rue du Clos-Montholon, à l’est, on peut apercevoir à ce stade les 2 premiers lits de butons provisoires déjà en place, composés de 16 éléments disposés en éventail pour soutenir les parois du puits ouest. La partie centrale de la boîte gare, sous les voies SNCF, s’appuie sur la dalle de couverture et le premier plancher. Quant au côté est, chaque niveau est composé d’un seul buton en patte d’oie : le premier, peint en blanc, est clairement visible depuis la passerelle bleue.

 

L’INSTRUMENTATION, L’OEIL DE L’INGÉNIEUR SUR LES OUVRAGES


Au sein de la maîtrise d’oeuvre Setec, Terrasol suit de près la bonne cadence d’avancement des travaux tout en surveillant en continu le comportement du soutènement et l’impact des travaux sur les
avoisinants. La « boîte gare » en cours de terrassement est située sous 4 voies SNCF et à proximité de plusieurs bâtiments. L’ensemble de ces ouvrages a été instrumenté avec des cibles topographiques afin de suivre les déplacements pendant les travaux. Plus de 300 prismes sont ainsi disposés sur les voies ferroviaires, assurant un pas de mesure de 3 m, et une centaine de cibles sont fixées sur les bâtiments et voiries environnantes. Des sonomètres et vibromètres ont été installés dans certains
bâtiments afin de détecter l’amplitude des nuisances sonores et vibratoires. L’ensemble de cette
instrumentation est implanté dans le périmètre de la zone d’influence géotechnique défini à 40 m de distance des parois périphériques de la gare Fort-d’Issy-Vanves-Clamart.
Pour ce qui est du suivi de la « boîte gare » proprement dite, l’instrumentation prévue initialement
repose sur 13 tubes inclinométriques régulièrement répartis dans 13 panneaux différents de la
paroi moulée, et 3 jauges de déformation sur chacun des 6 butons équipés (3 par niveau). Cet équipement permet d’accéder aux déplacements horizontaux de la paroi et aux efforts dans les butons
équipés. Toutefois, une description complète du comportement de la paroi requiert la mesure précise,
non seulement de la déformée, mais aussi du moment fléchissant dans la paroi et de la pression
appliquée par le sol. Une instrumentation complète de la paroi doit donc permettre d’accéder à ces 3 grandeurs. Consciente des enjeux géotechniques de cette fouille exceptionnelle en termes de géométrie et de particularités stratigraphiques (avec notamment la présence d’une couche d’argile plastique surconsolidée), Terrasol a proposé une instrumentation complémentaire avancée permettant un suivi optimal du comportement de la paroi. Les 3 grandeurs précitées sont ainsi mesurées grâce à la mise en place de fibre optique et de cellules de pression. Dans le cadre d’une thèse Cifre co-encadrée par Terrasol et le laboratoire 3SR (Sols, Solides, Structures et Risques) de l’université Grenoble-Alpes, un panneau de paroi moulée a ainsi été équipé de 100 m de fibre optique et de 4 cellules de pression totale à l’interface sol-paroi accompagnées de 4 cellules de pression interstitielle.

 

AUSCULTER LA PAROI À HAUT DÉBIT AVEC LA FIBRE OPTIQUE

 

La fibre optique, utilisée massivement pour la transmission de données, peut être détournée de son
usage traditionnel pour s’adapter à l’auscultation en génie civil. Elle est constituée d’un mince filament
cylindrique de silice, c’est-à-dire un fil de verre très fin (dizaine de microns) entouré d’une gaine
(centaine de microns) d’un indice de réfraction plus faible pour confiner l’onde transmise à l’intérieur.
Elle a l’avantage d’être peu intrusive, et directement opérationnelle après sa mise en place avec un
temps de réalisation de la mesure de quelques secondes, alors que les tubes inclinométriques exigent
une réservation dans la paroi, un carottage de fond de panneau et le scellement soigné d’un tube,
et un temps de mesure d’une trentaine de minutes qui augmente avec la profondeur du tube. De
surcroît, la précision de la mesure dans le cas de la fibre optique est de l’ordre du micron, et elle
est complètement indépendante de l’opérateur avec un pas de mesure pouvant aller jusqu’au millimètre, tandis que les mesures inclinométriques dépendent du soin apporté par l’opérateur, de l’état
de la sonde, et se limitent à un pas de mesure imposé par les dimensions de la sonde (50 cm pour une sonde standard).
Concrètement, les 100 m de fibre optique ont été disposés en U et fixés à 2 armatures longitudinales.
À chaque interrogation de la fibre, on récupère les micro-déformations axiales de la fibre, et donc
de la paroi dans laquelle elle est scellée, côté sol et côté fouille, grâce à l’analyse par rétro-diffusion
Rayleigh. À partir de cette déformation, on peut remonter directement au moment fléchissant et au déplacement horizontal de la paroi. Les premières comparaisons préliminaires entre les mesures
via la fibre optique et celles via l’inclinomètre adjacent confirment la très bonne précision obtenue
avec la fibre, et par conséquent le fort potentiel de cette technologie pour ce type d’application.

 

LA PRESSION À L’INTERFACE SOL-PAROI : UNE INFORMATION EN OR POUR LE GÉOTECHNICIEN

 

Le dimensionnement d’un écran de soutènement est principalement dicté par la nature et les caractéristiques du sol soutenu. L’évolution de l’état de contraintes dans le sol au fur et à mesure de
l’excavation régit le comportement de la paroi et la possibilité de mesurer la pression du sol appliquée sur l’écran est donc éminemment intéressante pour le géotechnicien.
L’instrumentation complémentaire proposée permet d’accéder à cette information en mettant en place 4 dispositifs de cellules de pression à l’interface sol-paroi moulée. Chaque dispositif est constitué d’un support sur lequel sont montés une cellule de pression totale, une cellule de pression interstitielle et un vérin pour plaquer l’ensemble contre le sol avant le bétonnage. Le corps du dispositif est équipé d’un pont de Wheatstone qui permet de mesurer la température et d’effectuer des corrections thermiques,
le cas échéant. Les supports sont ensuite installés dans la cage d’armature aux profondeurs voulues,
puis la cage est descendue dans la tranchée de la paroi moulée en protégeant les câbles
d’acquisition qui seront branchés ultérieurement à une centrale pour transmettre les données à distance. La complémentarité entre les mesures par fibre optique et celles par cellules de pression permet d’assurer un suivi complet du comportement de la paroi moulée, fiable et de qualité, à la hauteur de cette excavation exceptionnelle. La capitalisation sur ce retour d’expérience particulièrement riche permettra d’approfondir plusieurs problématiques liées à la modélisation des soutènements d’excavations profondes et d’optimiser leur dimensionnement.
De plus, le retour d’expérience acquis dans le cadre de cette gare permettra de développer d’autres projets d’instrumentation de ce type pour d’autres gares du Grand Paris faisant face aux mêmes enjeux géotechniques.
L’instrumentation complémentaire mise en place à la gare Fort-d’Issy- Vanves-Clamart montre qu’il est
possible d’accéder à des grandeurs précieuses pour le géotechnicien à condition de privilégier la
qualité du dispositif d’instrumentation et non la quantité, et en portant une grande attention à
la mise en oeuvre et au suivi de son état pendant la durée du chantier.

 

Khadija Nejjar, Gilles Chapron,
Hervé Le Bissonnais et
Fahd Cuira
Terrasol