BARRAGE D'ASSIOUT EN EGYPTE
01/11/2015

BARRAGE D'ASSIOUT EN EGYPTE


L’ancien barrage, achevé en 1903
Vue aérienne du chantier dunouveau barrage en directionde l’Est, avant la mise hors d’eau

Vue en plandu maillage auxéléments finis dumodèle Feflow©,et zoom sur uneparoi
Vue 3D du modèlehydrogéologique Feflow©utilisé pour le calculdes débits derabattement

La ville d’Assiout recevra prochainement un nouveau barrage sur le Nil, remplaçant celui existant, datant de plus d’un siècle. Cet ouvrage, dont Vinci Construction Grands Projets assure la conception et la construction, servira à la régulation du fleuve et à la production d’électricité. Il accueillera également deux écluses et une prise d’eau pour l’irrigation.

Burgeap, société d’ingénierie en environnement et climat-énergie, apporte ici son expertise en hydrogéologie pour la compréhension et la modélisation des écoulements souterrains, avec des enjeux importants pour la sécurité et la réussite du chantier.


Description du projet


La fouille se trouve dans le lit mineur du Nil. Son emprise, limitée par la rive droite du fleuve et par des digues, est de 500 mètres sur 400 mètres environ. La profondeur maximale des terrassements par rapport au niveau du Nil est d’environ 25 mètres. Un rideau périmétrique constituée par une paroi moulée d’une profondeur moyenne de 40 mètres permet de limiter le débit d’exhaure.

Le rabattement est assuré par un ensemble de puits de pompage, graduellement mis en service avec l’approfondissement de la fouille.
Initialement, un peu plus d’une centaine de puits étaient prévus avec des capacités unitaires théoriques comprises entre 100 et 200 m³/h.


Hydrogéologie


La géologie au droit du site est marquée par du sable et des graviers sur plus d’une centaine de mètres d’épaisseur. Cette formation est moyennement hétérogène, avec des changements de faciès latéraux et verticaux repérés durant une phase de sondages.
Compte tenu de sa nature lithologique, de sa puissance et de la proximité immédiate du Nil, cet aquifère est très productif. Sa perméabilité a été initialement estimée entre 3,5x10-4 et 8x10-5 m/s
par deux essais de pompage réalisés en rive droite du fleuve. Des mesures complémentaires
(analyses granulométriques/formule de Hazen, micro-moulinets, essais de type Lefranc) indiquaient des perméabilités à peu près équivalentes. Un modèle numérique 3D aux éléments finis (logiciel Feflow), calé sur les mesures piézométriques recueillies au cours des premières semaines de rabattement en grand de la fouille, a conduit à des perméabilités horizontales de 9x10-4 m/s pour la partie supérieure de l’aquifère, qui englobe assez largement la paroi moulée périphérique, et 2x10-4 m/s pour une partie située une dizaine de mètres sous la paroi, ainsi que des perméabilités verticales comprises entre 10-4 m/s et 2x10-5 m/s (soit des rapports Kh/Kv compris entre 9 et 45).

On remarquera que, conceptuellement, les débits à extraire de la fouille dépendent autant des perméabilités verticales que des perméabilités horizontales. Toutefois, les perméabilités verticales sont
plus rarement estimées que les perméabilités horizontales. Se baser uniquement sur les perméabilités horizontales peut donc conduire à des erreurs significatives d’estimation des débits. De surcroît, on notera que l’interprétation de pompages d’essai – même s’ils sont de longue durée – peut conduire à des perméabilités différentes de celles issues du calage d’un modèle numérique effectué sur la base de mesures réelles recueillies au cours de périodes plus longues que celles de pompages d’essai (par exemple, le début du rabattement effectif de la fouille). En phase préliminaire, avant tous travaux, il convient donc de disposer de différents pompages d’essai avec des piézomètres de contrôle plus profonds que les puits de pompage. Les rabattements mesurés permettent, au moyen d’une modélisation, d’évaluer la gamme de perméabilité verticale de l’aquifère.

 

Enjeux et simulations

 

Du fait de l’échelle du projet et du contexte hydrogéologique, les débits de rabattement attendus pour les différentes phases étaient importants, jusqu’à 300 000 m³/ jour (3,5 m3/s), avec environ une centaine de puits. La logistique et l’organisation de l’opération de mise hors d’eau de la fouille ont donc été cruciales pour le chantier (nombreuses pompes, groupes électrogènes, canalisations…) d’où la nécessité d’évaluer de manière réaliste les débits et le nombre de puits. Le risque de défaillance possible de l’approvisionnement en carburant a également été pris en compte par le chantier.
Le modèle numérique a donc permis la simulation d’un premier scénario portant sur l’optimisation du nombre de puits, phase par phase, jusqu’à la phase ultime du chantier (phase la plus profonde, conduisant donc au débit maximum). Un second scénario a eu pour but d’évaluer les effets d’arrêts de pompage à différents moments critiques, et d’estimer les gradients hydrauliques ainsi produits et le
risque de boulance et de renard. Un troisième scénario a permis de cerner le temps de remise en eau de l’aquifère après arrêt des pompages (retour au niveau statique).
La réalisation d’une modélisation mathématique hydrogéologique 3D, en l’occurrence avec le code
de calcul Feflow, se révèle être le seul moyen d’intégrer la complexité d’un projet de ce type. Pour évaluer correctement les débits de rabattement, il est nécessaire de disposer d’un ajustement fiable de la perméabilité verticale (basée entre autres, sur le calage des enregistrements de rabattements et de débits en début du pompage en grand). Un modèle de ce type permet d’envisager des scénarios d’optimisation et d’économie des équipements nécessaires aux opérations de mise hors d’eau de la fouille. Il permet égalementd’obtenir des informations capitales quant à l’analyse des risques du chantier (boulance, vitesse de remontée de nappe en cas de panne, temps disponible avant inondation…).

 

Alain Roussin
Directeur à Vinci Grands Projets,
Didier Vanden Berghe
Hydrogéologue, Burgeap,
Gérard Monnier
Expert hydrogéologue, Burgeap,
D. Vanden Berghe et G. Monnier
tiennent à remercier les équipes
de Vinci, à Paris et à Assiout,
pour leur confiance manifestée
durant cette étude.