FUTUR MÉTRO D'AUCKLAND : FONDATIONS ET REPRISE EN SOUS-OEUVRE - <p>Vue des parois moulées<br />terrassées sous le CPO.</p>
03/11/2020

FUTUR MÉTRO D'AUCKLAND : FONDATIONS ET REPRISE EN SOUS-OEUVRE


Installations du chantier devant le bâtiment historique du Chief Post Office.
Projet CRL - Vue en coupe.

Auckland investit dans un réseau ferré souterrain qui desservira son centre d’affaires. La première étape de ce
projet consiste à réaliser les premiers mètres de tunnels sous un bâtiment historique emblématique : le CPO. Afin de lui conserver tout son cachet, sa structure va être vérinée en prenant appui sur les parois moulées des tunnels,
réalisées depuis les sous-sols. Le tout sous surveillance attentive des déformations de tous les bâtis en temps réel.

Auckland est la plus grande ville et le coeur économique de la Nouvelle-Zélande avec 1,5 million d’habitants, mais aussi l’une des villes les plus étendues au monde. Quand on sait qu’elle est implantée au milieu de baies très découpées, on comprend que les transports soient un problème pour le pôle néo-zélandais des affaires. À cela s’ajoute la forte croissance que connaît la métropole, boostée par les investissements étrangers et l’immigration.

 

LE PROJET CRL, ET LA PREMIÈRE ÉTAPE CRL C1

 

Le projet CRL (pour « City Rail Link ») prévoit de « boucler » le réseau ferroviaire, mais surtout de réaliser deux nouvelles stations souterraines en plein centre-ville, reliées au réseau existant par une troisième station à ciel ouvert. Avec 3,6 km de double tunnel, CRL est l’un des plus gros projets d’infrastructure en Nouvelle-Zélande. Quant à la première étape, objet du contrat « C1 », elle a démarré en juillet 2016 et consiste à réaliser les tunnels dans la continuité de la gare Britomart,
sous le fameux Chief Post Office (CPO). La sélection du groupement d’entreprises Downer-Soletanche Bachy, effectuée en 2015, s’est prolongée par une phase de dialogue compétitif (« Early Contractor Involvement ») qui a permis d’optimiser la conception du projet, notamment en transformant les structures de soutènement provisoires du tunnel en structures définitives, assurant les reprises de charge du vérinage, puis des tunnels en exploitation.

 

LE PHASAGE DE RÉALISATION


Avant les travaux d’infrastructure, d’importants travaux ont été nécessaires pour remplacer l’accès à la gare sous le CPO par un accès provisoire à l’est, sans interruption du service. Ensuite toutes les structures du bâtiment en sous-sol et rez-de-chaussée ont été découpées et démontées pour ne garder que les colonnes métalliques supportant les planchers, ainsi que leurs fondations sur pieux. Le CPO a été bâti sur des terrains gagnés sur la mer par remblai lors des agrandissements successifs du port. Les premiers mètres de terrain sont donc de très mauvaise qualité. Pour reconstituer une plateforme de travail pour les travaux de paroi moulée, un remblai léger en polystyrène a été réalisé dans les zones de sous-sols plus profonds pour limiter les efforts parasites sur les fondations existantes. Les murettes-guide ont été réalisées dans cette étape de préparation. La paroi moulée est ensuite réalisée depuis le sous-sol, sous hauteur limitée à 7 m, environ. Des colonnes de jet-grouting ont permis de compléter l’enceinte des tunnels, dans les zones inaccessibles ou autour des fondations existantes (voir ci-dessous). Puis la reprise en sous-oeuvre du bâtiment s’est effectuée en s’appuyant
sur les parois moulées via des poutres métalliques ou béton précontraint. Ont suivi le terrassement et le butonnage des parois moulées pour la réalisation du génie-civil des tunnels et leur remblai. Et enfin la reconstruction des sous-sols du bâtiment, ainsi que tout le second-oeuvre nécessaire à la remise en
service du CPO comme accès à la gare Britomart et siège administratif et commercial de « Auckland Transport ».

 

LES PAROIS MOULÉES SOUS LE CHIEF POST OFFICE

 

Les contraintes sont multiples pour la réalisation de ces parois moulées :

  • limiter au maximum les vibrations en phase travaux, pour préserver l’intégrité du CPO dont la structure a été affaiblie, et minorer les nuisances aux riverains ;
  • travailler sous hauteur limitée à 7 m environ, alors que les panneaux comme les cages d’armatures atteignent 17 m ;
  • évoluer avec la foreuse entre les colonnes soutenant les planchers du bâtiment, dont l’espacement varie de 5 à 7 m ;
  • accéder au sous-sol par une seule rampe débouchant sur une ruelle où la circulation est restreinte aux heures de pointe.

La solution retenue pour le forage est l’utilisation d’une Hydrofraise compacte dernière génération HC05. La machine est équipée d’un power-pack « détachable», pouvant être positionné sur un crawler et relié par un ombilical à la foreuse. L’ancrage dans les couches compactes est rapide et ne génère pas de vibrations mesurables. La mise en place des cages d’armatures est réalisée par une grue télescopique sur chenille, de dimensions adaptées au site.

 

LA REPRISE EN SOUS-OEUVRE DU CHIEF POST OFFICE

 

Le bâtiment CPO est actuellement supporté par un réseau de murs et de colonnes qui reposent sur des pieux. Ces pieux étant dans l’emprise des tunnels à réaliser, le poids du bâtiment doit être reporté vers les parois moulées fraîchement réalisées avant d’entreprendre les excavations. La descente de charge sera modifiée une seconde fois à la fin des travaux afin de pouvoir libérer les structures provisoires et rendre au bâtiment son architecture d’origine.
Il faut souligner l’importance historique de ce bâtiment pour le pays. Cela explique l’intérêt public pour le projet et l’attention portée par les entreprises pour maintenir le bâtiment intact. La façade et son hall d’entrée sont le coeur culturel du bâtiment, avec notamment une mosaïque de grande valeur historique. Cet ensemble massif est porté par un réseau de murs fondés sur pieux. Le reste du bâtiment est soutenu par des colonnes, également fondées sur pieux. Afin de reprendre en charge le bâtiment en limitant au strict minimum ses mouvements, et ainsi préserver ses éléments les plus fragiles, la reprise en sous-oeuvre sera adaptée à chacun de ces deux cas.

 

SOLUTIONS TECHNIQUES


Les structures portantes du bâtiment (murs et colonnes) sont supportées par des poutres béton ou acier qui enjambent les futures excavations et reposent sur les parois moulées. Les murs soutenant le hall d’entrée et sa mosaïque sont « cloués » par précontrainte à de nouvelles poutres en béton qui les enserrent. Ces poutres sont ellesmêmes précontraintes pour limiter leur gabarit et les faire tenir dans l’espace restreint sous le bâtiment. La rigidité de ces poutres de précontrainte permet de limiter les mouvements de cette partie sensible du bâtiment.

Dans le reste du bâtiment, des colliers métalliques sont serrés (toujours par précontrainte) sur les colonnes. Ces colliers reposent à leur tour sur des poutres métalliques. 350 tonnes d’acier structurel
seront installées pour cette solution plus flexible, mais également plus légère, et donc plus rapide à installer. Une fois ces « ponts » mis en place, ils sont mis en charge par vérinage, ce qui a pour conséquence de décharger les fondations existantes. Pour cette opération, on fait appel aux vérins plats inventés par l’ingénieur français Freyssinet dans les années 1930. Le vérin plat a la forme
d’une galette métallique de quelques dizaines de millimètres de hauteur, que l’on gonfle en introduisant un liquide sous pression. Cette technique est particulièrement bien adaptée aux travaux de reprise en sous-oeuvre. Du fait de leur faible hauteur, ils sont plus faciles à insérer dans les bâtiments existants. D’autre part, et contrairement à d’autres types de vérins, ils ne sont pas sujets au coincement. Enfin, et c’est leur avantage principal, ils permettent le transfert d’efforts colossaux avec une maîtrise des mouvements au millimètre pour un coût limité. Pour cette application, 108 vérins plats
seront installés pour un effort total de vérinage de 9 000 t.

 

LE SUIVI CONTINU DES TASSEMENTS ET DÉPLACEMENTS


Le suivi continu des déformations du CPO, et des bâtis environnants, est primordial, tant dans les phases de démolition que de réalisation des fondations, mais surtout dans la phase de vérinage du bâtiment. Une difficulté majeure est l’absence de référence fixe à l’intérieur du bâtiment Le procédé Cyclops est mis en oeuvre par Sixense pour assurer ce suivi. Cette technologie a fait ses preuves mais se heurte à deux difficultés :

  • la configuration du CPO rend impossible pour les stations Cyclops une visée vers des cibles de référence fixe ;
  • tout le bâtiment est susceptible de mouvements alors qu’il est lui-même au
    centre de la zone d’influence des travaux.

Sans référence fixe, un suivi en temps réel des déplacements et déformations n’est pas possible en utilisant le mode opératoire traditionnel.

Pour résoudre cette difficulté, la solution mise en oeuvre consiste à relier virtuellement les stations Cyclops via un algorithme mathématique complexe, leur permettant ainsi de partager les mêmes prismes de référence.
Les composants de cette technologie de partage des données de référence sont :

  • un jeu de prismes de référence couvrant une large ouverture d’angle garantissant une référence robuste ;
  • de multiples stations totales Cyclops partageant au moins 2 prismes – avec un angle d’ouverture de 30° minimum – avec ses stations voisines.

Le principe de fonctionnement est le suivant : une fois tous les cycles de mesure réalisés, les données sont traitées globalement selon la méthode des moindres carrés. Par itérations successives, les différentes solutions mathématiques sont identifiées jusqu’à atteindre la solution conforme aux critères
de convergence prédéterminés et ainsi identifier et quantifier les prismes qui sont restés fixes et ceux présentant des mouvements.
Il est important de noter que les stations totales Cyclops sont elles-mêmes considérées comme des cibles dans le traitement global des données. C’est une caractéristique primordiale du procédé,
qui permet d’installer des stations totales dans la zone d’influence, ou en d’autres mots, sur des supports potentiellement instables ou mouvants.
De plus, 7 stations Cyclops ont été installées pour suivre et enregistrer les mouvements du CPO et des bâtis et infrastructures environnants : 4 à l’extérieur du bâtiment, et 3 à l’intérieur
Une fois analysées les coordonnées de tous les prismes sont transformées en déplacement en x, y et z par rapport à une référence correspondant à une date fixée. Les valeurs sont représentées graphiquement à l’aide du Système d’information géographique (SIG), accessible sur le web, baptisé « Geoscope ». Des alarmes sont générées automatiquement si les déplacements mesurés excèdent les seuils prédéterminés. Les stations Cyclops sont paramétrées pour effectuer un cycle de mesure toutes les 20 min, et le traitement global des données est effectué toutes les heures.

 

LE PROGRAMME DE CRL C1

  • fondations profondes et reprise en sous-oeuvre en 2018 ;
  • puis les travaux de terrassement et génie civil enterré en 2019 ;
  • ensuite la réalisation des structures du CPO et du second-oeuvre, ainsi que des aménagements extérieurs, pour un fonctionnement dans la nouvelle configuration.

 

Fabrice Perez
Chef de projet
Soletanche Bachy International
Damien Delbos
Responsable d’agence
Freyssinet
Philippe Begou
Directeur projets
Soletanche Bachy International