SITES ET SOLS POLLUÉS : DU RÊVE À LA RÉALITÉ - <p>Prélèvement de terres polluées<br />à la tarière.</p>
01/04/2017

SITES ET SOLS POLLUÉS : DU RÊVE À LA RÉALITÉ


a France et son passé industriel.
Billes demercure dansdes remblaisen place.

La place se fait rare en France ! Les meilleurs sites ont été aménagés et le développement de notre société nécessite de trouver de nouveaux espaces. L’extension des agglomérations conduit à absorber d’anciennes zones périurbaines, historiquement consacrée aux petites et
moyennes industries. La mutation économique de la France apporte également son lot de recomposition du paysage industriel.

Il n’y a pas que des nouveaux espaces à bâtir : certains espaces sont… à rebâtir ! Le passé de
ces sites, dont l’exploitation s’est faite à des périodes moins respectueuses de l’environnement
qu’aujourd’hui, a marqué les sols d’empreintes souvent lourdes, sournoises. Contrairement à la
géologie qui répond à une certaine logique, celle de la nature, les sols pollués sont des formations
anthropiques et sujets à des aléas forts. La gestion des sites et sols pollués est une discipline distincte
de la géotechnique, bien qu’elle parte d’une même matière, les sols, pour aller vers un même objectif, le projet. Toutefois, comme la géochimie, la toxicologie, le génie des procédés, etc, la géotechnique
est une composante forte des disciplines permettant de trouver des solutions de gestion durables, efficaces et optimisés. Nous vous proposons de faire un point sur les évolutions de cette discipline, rendue prégnante par la nécessité de construire et la responsabilité environnementale nouvelle.

Le nouveau contexte législatif de la loi Alur mérite un bref rappel, et la norme NFX 31 620 est un outil qui nous guidera tout au long du parcours qui mène de la friche à l’ouvrage.

 

ARTICLE 173 DE LA LOI ALUR : UN NOUVEAU CADRE POUR LA POLITIQUE DE GESTION DES SITES ET SOLS POLLUÉS

 

En 2003, la loi Bachelot prenait en compte la prévention des risques technologiques et naturels, et établissait le principe de réparation des dommages. La loi a notamment imposé des garanties financières aux exploitants d’installations classées ; elle a renforcé la maîtrise de l’urbanisation par la
définition de zones à risques.
La circulaire et les notes aux préfets du 8 février 2007 ont tracé la ligne directrice de la politique de traitement des sites et sols pollués.
En 2011, la certification des bureaux d’études dans le domaine des sites et sols pollués a été mise en place en parallèle de la refonte de la norme NFX 31 620.
En 2015, la loi Alur poursuit la construction du cadre législatif et réglementaire concernant les sites pollués.
Les outils d’information existant sur les sites pollués, notamment la base de données Basol, seront renforcés par les secteurs d’information sur les sols (SIS) que l’État devra avoir mis en oeuvre dans chaque département au plus tard le 1er janvier 2019.
Le dispositif du tiers demandeur est instauré : le tiers est celui qui fait la demande de travaux de réhabilitation d’un site ayant accueilli une installation classée (ICPE) en se substituant au dernier exploitant.
Lorsqu’un maître d’ouvrage décide de changer l’usage d’un terrain inclus dans les SIS, il doit faire établir une étude de pollution de sols ; un bureau d’études techniques (BET) spécialisé établira un plan de gestion de la pollution afin de rendre compatibles l’état du sol et le nouvel usage projeté ; le dossier sera validé par un bureau certifié qui émettra une attestation (ATTES).
La priorité de la dépollution consiste à extraire les pollutions concentrées généralement circonscrites à des zones limitées (notion de source) et à rendre compatible les teneurs résiduelles en polluant avec l’usage projeté des sols.

Les sites hors SIS ne sont pas nécessairement indemnes de pollution ; les propriétaires (actuels ou futurs) de terrains ayant pu faire l’objet d’activités polluantes devront rester vigilants.
D’une manière générale, les sites contaminés par des déchets industriels sont considérés comme des ICPE ; ainsi l’État usera de sanctions pénales ou administratives à l’encontre du responsable.

 

ÉTABLIR LA CARTE D’IDENTITÉ DU SITE

 

Aménager un site est un acte politique répondant à des enjeux environnementaux, sociaux et économiques. La démarche de l’aménageur aboutit à un programme ; celui-ci doit être fondé sur les
caractéristiques du site : géologie, hydrogéologie, environnement, urbanisme, mais aussi pollutions éventuelles.
Toutes les friches industrielles ne sont pas affectées de manière
similaire. Certaines sont impactées par une mauvaise gestion des combustibles fossiles (fuel, etc.) ; d’autres sont susceptibles de contenir des ETM (élément-trace métallique), notamment l’arsenic, le plomb, le mercure et le cadmium, en concentration forte et localisée, difficile à repérer. Le diagnostic de pollution caractérisera les niveaux de présence de polluants dans les différents milieux environnementaux (sol, air du sol et eaux souterraines, par exemple). La connaissance des concentrations et des typologies de pollutions permettra de définir les options de gestion de ces contaminations en garantissant une compatibilité sanitaire des solutions proposées avec l’usage projeté des aménagements.
La partie 2 de la norme NFX 31 620 intitulé « Exigences dans le domaine des prestations d’études, d’assistance et de contrôle » traite donc des prestations amont : études, assistance et contrôle des sites pollués. On y trouve deux types d’offres :

  • Les offres globales de prestations qui sont adaptées à des contextes de gestion fréquemment rencontrés et sont modulables en fonction des besoins des clients et des spécificités du site à gérer. Elles recouvrent le diagnostic des polluants, l’établissement de plans de suivi et de contrôle. 
  • Les offres de prestations élémentaires qui sont adaptées à des compétences spécifiques proposées par les prestataires, et sont pertinentes pour les clients aguerris aux problématiques des sols pollués.

Il existe 8 offres globales de prestations et 15 offres de prestations élémentaires.

 

DÉFINIR LES MODALITÉS DE GESTION DE LA POLLUTION

 

Parce qu’on ne fait pas n’importe quoi n’importe où, il est essentiel d’apporter aux concepteurs les
informations qui donneront les bases d’une saine réflexion sur le devenir du site. Ayant connaissance des caractéristiques du site et de la nature des équipements à construire, le BET spécialiste de la dépollution définira les objectifs à atteindre, au travers d’un plan de gestion, dans le traitement de la pollution, et le BET certificateur validera le projet de traitement et établira une attestation (ATTES) nécessaire lorsque le site aura été identifié SIS. Pour les sites ICPE, cette démarche se fera en concertation avec les services de l’État.

 

ADAPTER LE PROJET AU SITE, PAS LE SITE AU PROJET

 

Il serait difficile et coûteux de passer d’une solution de fondations superficielles et dallage du sous-sol à une solution de pieux avec dalle à la sous-pression pour la seule raison qu’on aura attendu les études d’exécution pour faire un premier sondage géotechnique. De la même façon, la gestion des sols pollués est une dimension du projet qu’il convient de gérer dès l’esquisse et tout au long de la vie de l’ouvrage, exploitation comprise. Ainsi plus les contraintes environnementales des sols seront prises en compte en amont d’un un projet, plus les solutions de gestion de la pollution pourront être optimisées en incluant, notamment, dans ces solutions, les dispositions constructives du projet lui-même.
La maîtrise d’oeuvre est une mission, mais aussi une fonction, un rôle qui est proche de celui de chef d’orchestre ; ce dernier compose une équipe de musiciens dont il aura besoin pour jouer la partition qui lui est commandée. Le maître d’oeuvre agit pareillement : il identifie les besoins du projet puis rassemble les exécutants.
Le maître d’oeuvre conseillera son client, le maître d’ouvrage, afin que le plan de gestion de la
pollution soit établi avant élaboration de son projet de construction. Il concevra des ouvrages adaptés au contexte ; un vide sanitaire pourra être retenu, par exemple, en cas de polluant en phase
gazeuse.

 

TOUS RESPONSABLES ?

 

Construire un ouvrage répondant aux spécificités du programme de l’investisseur est un challenge pour le maître d’oeuvre et les constructeurs ; ceux-ci doivent notamment maîtriser l’aléa géotechnique.
Construire le même ouvrage sur un site initialement pollué élève le challenge à un niveau supérieur ; une étape initiale est ajoutée en amont de l’acte de construire : la mise à niveau du site en matière
sanitaire. Il est alors primordial d’identifier les sources de pollution. Or leur origine est anthropique, générant un aléa difficile à circonscrire. Exemple d’aléa : réseau ancien inconnu comportant un point bas concentrant des polluants ; la réalisation de pieux est susceptible d’impacter ce réseau et mobiliser les polluants.
La nouvelle réglementation renforce la chaîne de spécialistes de la pollution, lorsque le projet est situé en site pollué (SIS) : assistant à maître d‘ouvrage, diagnostiqueur, BET concepteur du plan de gestion, certificateur (ATTES), BET maître d’oeuvre des opérations de dépollution, entreprise spécialiste.
Pour autant, cette équipe ne peut faire totalement disparaître l’aléa anthropique.
La pollution résiduelle ne peut être qualifiée de vice du sol, dont la charge serait supportée par les constructeurs.
In fine, le maître d’ouvrage devra supporter les conséquences de l’aléa réalisé. L’assurance dommages ouvrage pourrait comporter une extension de garantie afin de le protéger.

 

Jean-Jacques et
Bertrand Mousselon
CREA (Conseil en Risque Et Assurance)