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PRIX BOUSSINESQ DU CFMS : OLATOUNDÉ ALEXANDRE YABA, LAURÉAT 2023 - <p>© CFMS</p>
30/11/2023

PRIX BOUSSINESQ DU CFMS : OLATOUNDÉ ALEXANDRE YABA, LAURÉAT 2023


Fig. 1 - Exemples de différents types de géogrilles.
Fig. 2 - Coupes transversales des voies instrumentées.
Fig. 3 - Coupe transversale de l'expérimentation sur modèlephysique, avec une plaque de chargement au-dessus.
Fig. 4 - Tassement sans géogrille (à gauche)et avec géogrille (à droite).
Présentation devant l’assemblée duCFMS à Paris, le 1er juin 2023.

Olatoundé Alexandre Yaba est le lauréat 2023 du prix Boussinesq, décerné par le Comité français de mécanique des
sols (CFMS), pour ses travaux de thèse sur « l’Amélioration des plateformes ferroviaires par géogrilles : analyse du
fonctionnement, de la limitation des déformations et du gain de portance ».

Olatoundé Alexandre Yaba a, en effet, reçu son prix remis par Nicolas Utter, président du CFMS (à
droite de la photo), à l’issue d’une conférence qu’il a donnée lors d’une assemblée générale et journée
scientifique à Paris en juin dernier.
Le prix Boussinesq vise à distinguer l’auteur de la thèse la plus remarquable, achevée dans une institution française, à chaque exercice biennal, sur l’un des sujets concernant le CFMS, à savoir la mécanique des sols, la géotechnique et les techniques spécifiques concernant les travaux en interaction avec les terrains.
La thèse CIFRE (SNCF Réseau) de Monsieur Yaba a été préparée au laboratoire 3SR (sols, solides, structures et risques) dans l'école doctorale I-MEP2 de l’université Grenoble-Alpes, sous la direction de Fabrice Emeriault (3SR)(1), le co-encadrement de Orianne Jenck (3SR)(2) et de Jean-François Ferellec (SNCF Réseau)(3). La thèse a été soutenue à Grenoble, devant un jury composé de Pierre Breul, Cyrille Chazalon, William Powrie, Gaël Combe, Pascal Villard et Fabrice Emeriault(4).

 

RÉSUMÉ DE LA THÈSE


À l'exception des lignes à grande vitesse, le réseau ferré national (RFN) français a été initialement construit du milieu du 19e jusqu’au début du 20e siècle. Pendant la majeure partie de l'existence du réseau, son entretien a été principalement axé sur le renouvellement de la voie (rails, traverses et ballast), laissant les plateformes (couche intermédiaire ou sous-couche avec couche de forme) se détériorer sur de nombreuses lignes.
Face aux enjeux de maintenance de plus en plus exigeants, SNCF Réseau propose d'utiliser des géogrilles pour améliorer ses plateformes lors du renouvellement de ses lignes classiques (vitesse limite ≤ 220 km/h). Les géogrilles sont des géosynthétiques formés d'un réseau d'éléments de traction dotés d'ouvertures de taille suffisante pour permettre un enchevêtrement avec un matériau granulaire environnant (figure 1). L'insertion d’une géogrille dans une couche de sol granulaire pourrait contribuer à la réduction des tassements et à l’amélioration de la portance de cette couche. Ainsi, les géogrilles ont été utilisées pour répondre à des besoins urgents sur le RFN afin d’assurer que certaines plateformes aient une portance supérieure à un seuil critique défini par les référentiels SNCF. Cependant, les quelques sites concernés n'ont fait l'objet d'aucun suivi particulier ni d'aucune analyse de retour d'expérience exploitable.
À l'heure actuelle, les connaissances sur le comportement mécanique des géogrilles et leur contribution aux souscouches ferroviaires sont limitées, notamment dans les conditions d'exploitation (plus particulièrement celles du RFN).
La plupart des études de cas existants proviennent de l’extérieur et se sont concentrées sur l'interaction des géogrilles avec le ballast. Les plus notables de ces études ont montré l'efficacité
des géogrilles pour réduire l'étalement latéral et l'usure du ballast. Cependant, l'insertion de géogrilles dans la couche de ballast ou directement sous celle-ci n'est pas compatible avec les pratiques actuelles sur le RFN. Peu d’études incluent des sections de sous-couches stabilisées. Dans les deux cas, l'inclusion des géogrilles produit une amélioration mesurable.
Malheureusement, en raison des différences de granulométrie et de résistance mécanique, les études disponibles au début du présent travail ne permettaient pas de tirer des conclusions satisfaisantes quant à la possibilité d’avoir des améliorations similaires pour les matériaux de sous-couche utilisés par SNCF Réseau. Une analyse bibliographique concernant les essais en
laboratoire des géogrilles a conduit à une conclusion similaire : hormis le consensus selon lequel (dans les bonnes conditions) les géogrilles améliorent les performances, il n'existe pas de règle empirique lorsqu'il s'agit d'évaluer leur efficacité dans les applications ferroviaires. Plusieurs facteurs affectent le résultat, notamment la raideur du sol-support, la granulométrie du matériau granulaire (ballast ou sous-couche), la position de la géogrille dans la structure, la raideur de la géogrille, le rapport entre la taille de l'ouverture de la géogrille et la taille nominale des grains, etc. Ainsi, il est nécessaire d'effectuer des tests pour quantifier ces améliorations au cas par cas.

Par conséquent, les verrous scientifiques levés au cours de cette thèse sont la mesure et la compréhension des mécanismes mobilisés dans les sous-couches stabilisées par géogrille sur le
RFN. Ces connaissances seront nécessaires à l'élaboration de référentiels pour l'utilisation des géogrilles sur le RFN. Ainsi, les objectifs de cette thèse ont été fixés selon 3 axes :
1. objectifs scientifiques :
• comprendre les phénomènes d'interaction entre les composantes des couches d’assise et les géogrilles ;
• collecter suffisamment de données expérimentales pour proposer des stratégies de modélisation numérique ;
2. objectifs techniques :
• définir le domaine d’application des géogrilles dans les structures des voies ferrées du RFN.
• quantifier les apports des géogrilles, en termes d'augmentation de portance et de réduction de tassements différentiels ;

3. objectifs opérationnels :
• proposer des configurations qui sont rapides et faciles à mettre en oeuvre ;
• s'assurer que les configurations proposées soient économiques et durables.
Pour atteindre ces objectifs, le travail a été divisé en deux composantes complémentaires :
- des essais in situ qui ont consisté à instrumenter et suivre (en conditions opérationnelles) des sous-couches stabilisées par géogrilles,
- la conception et la mise en oeuvre d'essais en laboratoire pour mesurer les performances des géogrilles dans des conditions contrôlées.
Deux sites ont été instrumentés pour les essais in situ. Ils comprennent chacun des mesures des déformations transversales des brins des géogrilles, des contraintes induites par le trafic dans la sous-couche et le sol support, et de la température à l’interface sol-géogrille (figure 2). Un des sites comprend des capteurs pour mesurer les charges aux essieux des trains et l’instrumentation installée sur ce site est capable d’enregistrer à haute fréquence (2 000 Hz). Dans l'ensemble, l'installation
des deux sites a été un succès. Une analyse préliminaire des mesures confirme que l’instrumentation est toujours entièrement opérationnelle après deux années de service. Ceci est encourageant, car le système a été conçu pour 10 ans de service.
Un script de prétraitement a été développé pour automatiser les étapes initiales de l'analyse des données. Ce script gère les conversions de format, l'étiquetage des données, le filtrage des signaux et la synchronisation. La précision et la fiabilité de l'ensemble des données sont ainsi assurées. Les données prétraitées peuvent ensuite être visualisées et analysées à l'aide de diverses méthodes statistiques. L'analyse a révélé que les géogrilles instrumentées sont effectivement mobilisées lors
du passage des trains. À cette étape, la raideur des géogrilles semble être le facteur déterminant de leur performance. Les mesures suggèrent également que la plupart des géogrilles réduisent la variabilité des déflexions des traverses. En somme, le système se comporte comme prévu, malgré quelques valeurs aberrantes. La majorité de ces aberrations peuvent être attribuées aux aléas du travail in situ. Les paramètres non contrôlés incluent les variations de portance du sol-support, l'hétérogénéité du matériau de sous-couche, les défauts localisés et les effets dynamiques induits par les trains.

En ce qui concerne les expérimentations au laboratoire, un dispositif expérimental a été développé pour tester les géogrilles destinées à être utilisées sur le RFN. Ce dispositif et le protocole expérimental qui l'accompagne ont été conçus pour reproduire (autant que possible) les conditions in situ, en utilisant une souscouche et des géosynthétiques réels, sur un sol-support analogique
(cf. figure 3). Les essais ont consisté à l’application de 250 kcycles de chargement (entre 15 et 85 kPa) sur un modèle de structure d’assise ; tout en mesurant les déformations de la géogrille, le tassement de la sous-couche et du sol-support, et les contraintes dans le sol-support. Le dispositif et le protocole
ont été validés en effectuant plusieurs essais avec et sans géogrilles. En l'état, les résultats des essais pourraient contribuer au processus d’agrément de géogrilles pour usage sur le RFN. Les premiers résultats confirment que l'insertion de géogrilles permet de réduire le tassement (cf. figure 4). Cette
confirmation est la première étape vers la quantification de la performance des géogrilles sur le RFN. De même, les observations suggèrent que les géogrilles augmentent la raideur de la sous-couche en confinant les agrégats. Ces améliorations apparaissent lorsque la tension s’accumule dans les brins des géogrilles après plusieurs centaines de cycles de chargement.
Cependant, certains facteurs-clés restent à déterminer, notamment la quantification de la répartition des contraintes dans le sol-support. Une interprétation plus poussée des données existantes permettra d’élucider certains points d’ombre, mais il est également nécessaire d'améliorer le dispositif expérimental et de réaliser davantage d’essais.

 

Dans l'ensemble, les résultats obtenus ont renforcé la confiance de SNCF Réseau dans l'utilité des géogrilles sur le RFN, facilitant ainsi leur utilisation plus systématique lors des opérations de renouvellement. Ainsi, on peut conclure que les objectifs initiaux ont été largement atteints, même si de nombreuses améliorations peuvent être apportées aux outils et procédures développés au cours de cette thèse. C’est pour cette raison que SNCF Réseau et le laboratoire 3SR se sont engagés à poursuivre l'étude. Ainsi, il est prévu de développer les axes qui n'ont pas pu être mis en oeuvre au cours des trois dernières années, notamment :
• un déploiement massif de mesures de déflexion sur des zones améliorées par géogrilles, en partenariat avec le groupe de recherche infrastructures de l'université de Southampton ;
• l'instrumentation d’un autre site sur plusieurs centaines de mètres pour permettre des mesures sur plus de géogrilles ;
• la mesure du tassement in situ à l'aide de capteurs de tassement hydraulique développés à l'INSA de Lyon (Khoueiry, 2020) ;
• la mesure localisée de la raideur d’une sous-couche, améliorée à l'aide du système de Bender Eléments développés à l'université de l'Illinois Urbana-Champaign (Byun et al., 2019 ; Byun et Tutumluer, 2018).

 

La SNCF espère également comprendre le comportement à long terme des matériaux polymères qui constituent les géogrilles (polypropylène, polyester, etc.). Notamment le comportement au fluage, l'influence des variations de température sur les performances et la recyclabilité en fin de vie. Cette compréhension permettra de réaliser une analyse complète (coûts financiers et environnementaux) du cycle de vie des géogrilles sur le RFN.

 

RENCONTRE AVEC OLATOUNDÉ ALEXANDRE YABA


Pouvez-vous vous présenter Olatoundé Alexandre Yaba ? (âge, parcours, études, etc.)


Olatoundé Alexandre Yaba : J'ai 30 ans et je suis originaire du Bénin. J'ai fait les classes préparatoires et l'école d'ingénieurs au Bénin où j'ai eu mon diplôme d'ingénieur en génie civil et hydraulique. Après l'obtention de mon diplôme d'ingénieur, j'ai travaillé dans un bureau d'études, puis j'ai décidé de me spécialiser en géotechnique. J'ai donc déposé ma candidature pour un master à l'École nationale supérieure de l'énergie, l'eau et l'environnement (ENSE3) à Grenoble et j'ai été admis.
C'est durant mon cursus à l'ENSE3 que j'ai connu le professeur Fabrice Emeriault et le Docteur Orianne Jenck, avec lesquels j'ai fait différents projets de recherche durant mon master. J'ai eu la chance ensuite de les avoir également comme encadrants de thèse.

 

Vous avez reçu récemment le prix Boussinesq. Qu’est-ce que cette « distinction » représente
pour vous ?


O. A. Y. : Je suis honoré d’avoir reçu le prix Boussinesq. C'est une reconnaissance de mon travail sur l'amélioration des plateformes ferroviaires par géogrilles.
Je suis convaincu que ce travail a le potentiel d'avoir un impact significatif sur l'avenir de la régénération des plateformes ferroviaires (ou structures d'assises) à la SNCF, en rendant les travaux
moins coûteux et plus écologiques. Je tiens donc à remercier le CFMS et le comité du prix Boussinesq pour cette distinction, qui donne de la visibilité à mon travail. Je suis également reconnaissant
envers mes encadrants de thèse et les nombreux collègues qui ont contribué à mon travail.

 

Le sujet de votre thèse était : « L’amélioration des plateformes ferroviaires
par géogrilles : analyse du fonctionnement, de la limitation des déformations et du gain de portance ». Pourquoi avoir travaillé sur ce thème ?


O. A. Y. : Le sujet a été proposé par l'ancienne équipe « Coordination, Innovation et Recherche » de la DGII - GC VA* de SNCF Réseau. Ils ont constaté qu'il y avait un besoin croissant de régénération des structures d'assises, mais que les méthodes traditionnelles ne permettaient pas de faire les travaux nécessaires en respectant les budgets disponibles, sans des fermetures prolongées des lignes concernées. Il fallait donc trouver un moyen de réaliser les travaux plus rapidement et avec un budget limité. L'utilisation de géogrilles a été proposée pour améliorer les caractéristiques mécaniques des structures d'assises ; permettant ainsi de réduire leur épaisseur et, par conséquent, réduire le coût
et la durée de travaux. Par contre, les connaissances sur le comportement mécanique des géogrilles et leur apport sous conditions opérationnelles dans le domaine ferroviaire étaient limitées, surtout dans le contexte du Réseau ferré national français. Alors, la SNCF a décidé de lancer un projet de recherche sur les géogrilles. Le projet a été proposé à Fabrice Emeriault et Orianne Jenck par Jean-François Ferellec (de SNCF Réseau), qui me l'ont proposé. Le sujet m'a tout de suite très intéressé, car il s'agissait d'un sujet de recherche appliquée avec des enjeux opérationnels. Nous avons donc décidé de monter un dossier pour en faire une thèse CIFRE.
Aujourd'hui, l'équipe « Coordination, Innovation et Recherche » n'existe plus, mais ses projets de recherche ont été intégrés dans les équipes d'ingénierie concernées par chaque sujet. Le projet
« Géogrilles » est désormais piloté par l'équipe « Patrimoine géotechnique de risques naturels » de la DGII - GC VA*, dont je fais aujourd'hui partie. Nous affectons beaucoup de ressources à ce projet parce que les résultats de ma thèse ont montré que l'utilisation des géogrilles peut rendre les plateformes ferroviaires plus durables, plus performantes et plus économiques.

 

Pendant combien de temps avez-vous présenté votre thèse ?


O. A. Y. : La soutenance de thèse a consisté en 45 min de présentation et environ 1 h 30 de questions-réponses avec le jury de thèse. La présentation devant le jury du prix Boussinesq a duré
20 min et a été suivie par 10 min de questions-réponses. Enfin, la présentation à l'AG du CFMS a duré 45 min.

 

Avez-vous rencontré des difficultés lors de votre parcours ?

 

O. A. Y. : Oui. Outre les difficultés habituellement rencontrées durant un doctorat, j'ai dû faire face à deux événements majeurs : le premier était un incendie criminel, qui a détruit le bâtiment où mes expérimentations étaient hébergées ; le second était la crise sanitaire et les confinements successifs qui ont suivi. Ces deux imprévus nous ont obligés à réduire l'ampleur du projet initial et à nous réorganiser pour pouvoir produire des connaissances exploitables, sans trop prolonger le contrat CIFRE.


Quelle est la suite maintenant ?
Qu’allez-vous faire ?

 

O. A. Y. : Je continue le travail sur ce sujet au sein de la SNCF pour combler les lacunes et explorer les perspectives identifiées à la fin de ma thèse. L'équipe dont je fais partie accompagne également les entités régionales pour encadrer la mise en oeuvre et le suivi de structures d'assises améliorées par géosynthétiques.
À terme, on se chargera de réécrire les référentiels SNCF pour mieux intégrer l'utilisation de ces matériaux innovants dans nos pratiques.

 

*Direction générale Industrielle et ingénierie – Département génie civil, voies et abords
1. Fabrice Emeriault, professeur des universités, Institut national polytechnique de Grenoble
2. Orianne Jenck, enseignante-chercheuse, université Grenoble-Alpes
3. Jean-François Ferellec, ingénieur ferroviaire, SNCF Réseau
4. Pascal Villard, professeur des universités, université Grenoble-Alpes, président du jury ; Pierre Breul, professeur des universités, université Clermont-Auvergne, rapporteur ; Cyrille Chazalon, professeur des universités, INSA de Strasbourg, rapporteur ; Gaël Combe, professeur des universités, Grenoble INP, examinateur ; William Powrie, professeur, university of Southampton, examinateur, et Fabrice Emeriault, professeur des universités, Grenoble INP, directeur de thèse.

 

Propos recueillis par Aude Moutarlier


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EXPOSANTS

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PARTICIPANTS

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