La société du Grand Paris a commandité des essais grandeur nature afin d’établir les avantages et les inconvénients des deux techniques de traitement d’étanchement des sables de Beauchamp sous nappe, omniprésents sur la ligne 16 du Grand Paris Express. Le groupement Soletanche Bachy France, Soletanche Bachy Tunnels, Sade STS et Géotec en partenariat avec Solexperts, attributaire du marché, a creusé un puits de 25 mètres de profondeur et deux galeries identiques de trois mètres de diamètre qui ont été instrumentées trois mois durant pour établir une modélisation du comportement des ouvrages et des terrains aux différents stades d’exécution.
La problématique est simple : comment réaliser selon des méthodes de creusement traditionnelles les connexions prévues entre le tunnel principal qui sera creusé entre 25 et 30 m de profondeur, principalement dans les sables de Beauchamp sous nappe, et les ouvrages annexes (puits de ventilation et d’issues de secours) ?
Pour répondre à la question, la Société du Grand Paris et Artémis, maître d’ouvrage et assistant à maîtrise d’ouvrage générale, ainsi que le groupement de maîtrise d’oeuvre Egis-Tractebel, ont
diligenté courant 2016 une étude de grande envergure qui s’est achevée fin décembre 2017.
UN PUITS D’ESSAI DE 7,50 MÈTRES DE DIAMÈTRE INTÉRIEUR ET DEUX RAMEAUX DE 5 MÈTRES DE LONGUEUR
Pour réaliser les essais grandeur nature, il s’agit de rejoindre la couche de sables de Beauchamp. Un puits d’essai a donc été creusé à l’abri d’une paroi moulée circulaire de 80 cm d’épaisseur et de 25 m de profondeur, prolongée par une jupe injectée. Soletanche Bachy France (et son sous-traitant Soletanche Bachy Tunnels) a ensuite exécuté depuis le fond de fouille 2 galeries symétriques de 5 m de longueur pour 3 m de diamètre. « Par sécurité et pour mesurer les effets du terrain sur les galeries, ces dernières ont été confortées au moyen de cintres HEB 140 espacés de 1 m », intervient Hasan Aldayeh, ingénieur d’affaires de Géotec. « En instrumentant les cintres, en autres avec des extensomètres à cordes vibrantes, nous avons pu ensuite déterminer l’effet de convergence et mesurer le chargement des cintres suivant chacune des techniques d’étanchement », prolonge Jonathan Rot, chef de projet à la direction technique et scientifique de Géotec.
44 COLONNES JOINTIVES EN JET-GROUTING
À chaque extrémité de galerie, une technique différente est employée. La galerie de congélation est obturée par une paroi moulée tandis que le tympan de la galerie en jet-grouting est constitué de colonnes en jet-grouting de gros diamètre forées depuis la surface.
Avant le creusement de la galerie d’essai du jet-grouting, Soletanche Bachy a réalisé un massif de sol traité de 7,50 m de longueur et 7,80 m de largeur sur toute la hauteur de la couche de sables de Beauchamp. Ce massif, qui a permis d’offrir une section sans infiltration, est formé de 44 colonnes verticales jointives. D’un diamètre unitaire de 1,55 m, les colonnes sont forées depuis la surface en suivant une maille de 1,20 m x 1,40 m. 2 colonnes supplémentaires sont faites dans l’axe, au-delà du fond de la galerie afin de fournir un scellement suffisant à l’installation d’un élongamètre.
UN ANNEAU DE GLACE DE 1,5 MÈTRE D’ÉPAISSEUR ENVIRON
Si la partie en jet-grouting recourt à une technique bien connue, il n’en est pas de même pour la
« congélation », d’un emploi plus rare. « Les chantiers qui ont utilisé cette méthode remontent à une vingtaine d’années. Le savoir-faire s’est donc un peu perdu. Le puits d’essai d’Aulnay était l’occasion pour nous d’un retour d’expérience intéressant », souligne Ibrahim Asri, ingénieur travaux de
Soletanche Bachy, qui a préféré, pour mieux s’approprier la technique, contrôler lui-même l’ensemble du process plutôt que de faire appel à la sous-traitance spécialisée. Pour réaliser l’anneau congelé de 1,5 m d’épaisseur environ, encerclant la galerie de 3 m de diamètre, l’entreprise a donc exécuté 14 forages sous sas, dans lesquels sont insérés les tubes de congélation. Ces 14 congélateurs sont espacés de 1,1 m environ et raccordés en série selon 2 boucles afin d’assurer une homogénéité des températures le long de l’anneau. La mise en froid est faite grâce à l’injection d’azote liquide (- 196 °C) dans les conduits en Inox. Les équipes de Soletanche Bachy ont fait circuler l’azote liquide durant 1 semaine dans le circuit ouvert, de façon à permettre l’évacuation du gaz généré par une cheminée extérieure.
MAINTIEN DES TEMPÉRATURES AU TEMPER
Après un délai de latence de 24 h à la fin de l’injection de l’azote liquide, l’entreprise est passée à la phase dite « d’entretien », visant à maintenir un niveau de froid suffisant. Il s’agit alors de mettre en circulation un fluide frigorifique. « Nous avons utilisé du Temper, un fluide synthétique qui, comme le liquide de refroidissement d’une voiture, conserve le froid. On peut aussi recourir à la saumure, mais le Temper à l’intérêt de ne pas contenir de sel et, à ce titre, de moins corroder les installations », précise Ibrahim Asri. Le fluide frigorifique circule dans un circuit fermé, et est en permanence refroidi par un groupe frigorifique de 10 kW, en fonctionnement plusieurs mois durant. L’objectif de température de l’anneau congelé était fixé à - 10 °C.
UN SUIVI EN CONTINU DES OUVRAGES
L’efficacité de la méthode d’étanchement par congélation suppose le contrôle permanent des températures obtenues. La galerie concernée a donc été équipée de sondes de température longitudinales et biaises dans l’épaisseur de l’anneau de sols gelés, de sondes au droit des congélateurs ainsi que de sondes de température de contact scellées dans la paroi moulée.
Parallèlement, afin de pouvoir comparer leur comportement aux différents stades d’exécution, les galeries traitées par jet-grouting et par congélation ont fait l’objet d’un dispositif d’instrumentation identique composé de :
L’ensemble de l’instrumentation était informatisé. « C’était un des points forts des essais. La plateforme mise en place par Solexperts nous permettait de disposer en permanence, depuis notre ordinateur, des données recueillies sur site. Ces données, combinées avec celles issues des campagnes géotechniques et des essais de laboratoires, nous ont permis d’effectuer une modélisation au jour le jour », se félicite Jonathan Rot.
RÉSISTANCE, GONFLEMENT ET FLUAGE
Une part importante de l’étude s’est déroulée en laboratoire, notamment pour les sols congelés à partir d’échantillons congelés en laboratoire (avant traitement) et in situ (après traitement). Le groupement a en particulier étudié 3 données importantes à prendre en compte dans les projets d’étanchement par congélation.
Les essais de résistance à la compression ont mis en évidence que la congélation conduit à une augmentation significative de la résistance à la compression, et que cette résistance était d’autant plus forte que la température des sols gelés était négative et que le degré de saturation en eau était important. Les mesures de gonflement ont permis de déterminer l’amplitude du gonflement lié au gel, la pression de gonflement correspondante ainsi que la vitesse de propagation du front de gel dans le sol. Ces études ont finalement abouti à la conclusion d’un faible risque de gonflement des sables de
Beauchamp lors de la congélation. De même, pour les essais de fluage de type uniaxial ou triaxial.
« Les caractéristiques mécaniques des sols gelés décroissent avec le temps. Pour l’évaluer, nous avons réalisé des essais en laboratoire sur des sols gelés à – 5 °C, - 10 °C et – 15 °C. Ce phénomène de fluage, potentiellement fort dans certains terrains, s’est révélé faible dans les Sables de Beauchamp », complète Jonathan Rot.
MODÉLISATIONS NUMÉRIQUES
Plusieurs modélisations numériques ont été réalisées par Géotec dans le cadre du puits d’essai. Ces modélisations numériques aux éléments finis de rétrocalage thermique de la galerie congelée et mécanique des 2 galeries prenaient en compte les différentes phases d’exécution des travaux.
La modélisation thermique de la galerie congelée a utilisé le logiciel Plaxis 2D dans sa version
« Thermal ». 3 coupes transversales et 1 coupe longitudinale à la galerie d’essai ont ainsi été établies. Le rétrocalage a été effectué pour chaque sonde sur la base d’une analyse comparative des températures relevées et des données du modèle numérique lors des phases de mise en froid et d’entretien.
« Cette modélisation a permis de valider les paramètres thermiques à retenir au sein des sables de Beauchamp traités par congélation et de réaliser des études paramétriques », stipule Jonathan Rot.
« Elles ont aussi permis de modéliser “l’effet de bord” observé à l’issue de la fin de la mise en froid à l’azote liquide ; les températures étaient plus élevées à proximité des parois moulées du puits principal et du tympan d’extrémité. Ce qui tendait à réchauffer l’ensemble du massif gelé. »
Les modélisations mécaniques ont, quant à elles, permis de valider les paramètres mécaniques à retenir au sein des sables de Beauchamp traités par jet-grouting et par congélation. Au droit de la galerie congelée, elles ont également permis de traduire les gonflements liés à la formation de la glace.
À la suite de ces essais, le groupement a établi une synthèse des avantages et des inconvénients de chacune des méthodes d’étanchement. Conditions de réalisation, délais, étanchéité, comportement mécanique, conditions de creusement, incidence sur les ouvrages avoisinants sont autant de paramètres qui doivent être pris en compte dans la détermination du choix de l’une ou de l’autre des méthodes. Ces essais ont aussi permis à chacun des membres du groupement d’acquérir une expérience qui, au-delà d’Aulnay-sous-Bois, devrait pouvoir trouver d’autres terrains d’expression sur le Grand Paris Express.
Philippe Morelli
GÉOTECHNIQUE FORAGE FONDATIONS FORAGE D'EAU ESSAIS
M² EXPOSITION INTÉRIEURE
6000
EXPOSANTS
190
M² EXPOSITION EXTÉRIEURE
1 500
PARTICIPANTS
3000